Paris, 1967. À l’aube de la cinquantaine, Menie, mère de famille bourgeoise, est recrutée par la radio RTL qui a décidé de renouveler ses programmes. Son rôle ? Faire parler les auditrices. En quelques semaines, c’est la déferlante. Les femmes de la France entière se confient à « la dame de cœur ». Bientôt, à l’heure de la sieste, elles seront des millions à suivre l’émission avec passion. Parmi elles, Mireille et sa sœur Suzanne, qui découvrent qu’elles aussi pourraient maîtriser leur destin. Quant à la vie de Menie, partagée entre le tourbillon d’une société libérée par Mai 68 et les tourments qu’on lui livre, elle en est totalement bouleversée.
Cinquante ans plus tard, Esther, une documentariste qui peine à se reconstruire, va replonger dans ces années pas si lointaines où le sort des Françaises semble d’un autre âge.
Avec ce nouveau roman porté par la figure de Menie Grégoire, sa grand-mère, Adèle Bréau unit les destinées de femmes qui, malgré leurs différences, se tendent la main. Amour, maternité, droits, sororité... l’auteure explore sur cinq décennies les avancées, paradoxes et régressions de la condition féminine, les mettant en résonance dans une fresque résolument romanesque.
Laëtitia
10/11/2024
C'était très bien. Un pan de l'histoire féminine qui m'était inconnue, une femme forte et courageuse. A lire absolument.
Aude
8/4/2024
« L’heure des femmes » est un hommage d’une petite-fille à sa grand-mère. C’est beau les hommages, surtout lorsque l’on sent autant d’admiration, de fierté et d’amour. Adèle Bréau aurait sans doute pu écrire une biographie de sa grand-mère Menie Grégoire, mais elle a décidé d’articuler son roman différemment. Dans « L’heure des femmes », elle confronte les points de vue et offre une vision saisissante de la condition de la femme dans les années 60 et de son évolution jusqu’à nos jours. Pour ce faire, la narration s’appuie sur l’histoire de quatre femmes, témoins de leur temps, qui ont incontestablement des choses à dire. À travers elles, on peut prendre le pouls d’une époque : le point de vue et les réactions consternées et consternantes des hommes et des politiques en 1968, mais aussi de certaines femmes. Menie Grégoire n’était pas « politiquement correcte ». Elle dérangeait. Elle disait tout haut ce que certaines femmes n’osaient même pas penser et encore moins exprimer tout bas. Elle répondait aux questions qu’on ne pose pas. Elle prononçait des mots interdits, comme orgasme, contraception, avortement, épanouissement, tâches au foyer, ce que nous appelons aujourd’hui « notre charge mentale ». « Oui, les choses privées deviennent des questions publiques, et c’est tant mieux ! Savez-vous depuis combien de temps les familles, les enfants, les couples souffrent en secret ? » Je crois qu’en 2023, nous pouvons difficilement imaginer quelle était la situation des femmes en 1967. À travers le personnage de Mireille et de sa sœur Suzanne notamment, la femme de 2023 découvre celle de 1967. La première chose qui m’a frappée tient dans la méconnaissance de leur corps. Les femmes d’alors été conditionnées pour être de bonnes épouses, et savoir tenir le foyer. Comprenez par là, faire des enfants, s’en occuper, s’assurer que les repas soient toujours prêts et le café chaud, accomplir leur devoir conjugal sans imaginer l’ombre d’un instant pouvoir y prendre un quelconque plaisir. Face à elles se dressent des hommes dont la toute-puissance nous semble inimaginable. Au foyer, ils contrôlent tout, y compris les dépenses en octroyant à Madame une somme mensuelle avec laquelle elle doit se débrouiller. À l’extérieur, ils occupent des emplois qui les rendent très importants et flattent leur ego. Parmi eux, Adèle Bréau dresse le portrait de médecins, de gynécologues, qui osent des paroles sidérantes ! Parce que dans « L’heure des femmes », préparez-vous à être sidérées, par les mots, les violences gynécologiques, les idées, et de la présence de demi-dieux qui ne souhaitent pas être détrônés. Au-delà du personnage de Menie Grégoire sur lequel je reviendrai plus tard, je voudrais faire un saut dans le temps pour parler de Esther, en 2021, qui se voit investie d’une mission : rassembler toute la documentation sur cette femme précurseur dans de nombreux domaines. Esther, qui replonge dans des années pas si lointaines, a fui au début du roman. Parce qu’à heure de #Metoo, il se passe encore dans les foyers des choses inacceptables, d’une tout autre nature. Esther est une femme en souffrance, qui a beaucoup subi, beaucoup encaissé, et qui ne sait plus qui elle est, ni de quoi elle est capable, tellement elle a été rabaissée. Le choix narratif et l’intelligence d’Adèle Bréau sont de montrer cette évolution de 1968 environ à 2021-2023, et de prouver que si de nombreux points ont été acquis à la cause des femmes, il reste encore beaucoup à faire. Le combat est très loin d’être fini, et Esther est la figure de proue de cette bataille. Mais revenons à Menie Grégoire, l’histoire d’une femme dont je ne connaissais absolument pas l’existence. Dans la version audio, elle est incarnée par la fabuleuse Françoise Cadol, qui, de sa voix douce, posée et ferme, lui redonne vie. Pour résumer, dans les très grandes largeurs, Menie est recrutée par la radio RTL pour animer une émission consacrée à écouter les femmes, et tenter de leur prodiguer des conseils. (Quoi de mieux que le livre audio pour faire revivre ces moments !) Du jamais vu ! Un concept totalement novateur, une émission où il n’y aura pas de langue de bois et où tous les sujets seront abordés. Très rapidement, Menie devient « la dame de cœur ». Ses auditeurs, et surtout ses auditrices, lui écrivent abondamment, et écoutent religieusement son émission, « L’heure des femmes ». Vous vous doutez bien que pour parvenir à ce succès, Menie Grégoire va devoir avaler quelques couleuvres, subir des attaques en règle, des insultes aussi, de la part d’hommes, mais aussi de femmes, et affronter des difficultés dans son propre foyer. « Ça la réconforte parce qu’on est de moins en moins tendre avec elle depuis cette seconde émission. Des articles entiers lui sont consacrés. Elle est devenue une sorcière, de celles qu’on brûlait au Moyen Âge, qui la terrifiaient tant quand elle était enfant. Est-ce qu’elle fait fausse route ? « Le Démon de Menie » a titré un magazine la semaine dernière. « Menie, oui, oui. » Travailler à 200 % et s’occuper d’une famille sont alors considérées comme totalement incompatible. Pouvoir s’épanouir personnellement en tant que femme n’est pas à l’ordre du jour. Devenir une référence pour des millions d’autres femmes s’apparente carrément à de la science-fiction. Et pourtant, cette femme apporte du concret, et pas seulement de grandes idées philosophiques à l’instar de Simone de Beauvoir. Son but est d’expliquer, d’émanciper, et de donner aux femmes la confiance qui leur fait défaut. « -Vous êtes un peu l’héritière de Beauvoir ! – Détrompez-vous, je n’ai rien à voir avec elle, si ce n’est l’intérêt que nous portons toutes les deux à la cause féminine. Mais contrairement au Castor, je ne considère pas que le mariage soit une aliénation, ni la maternité un naufrage. En revanche, ce que n’a pas réussi à saisir cette femme intelligente — hélas ignorante des réalités qui animent la société hors du petit cercle germanopratin —, c’est la double peine des femmes de notre époque. Mères, elles le sont, assurément. Mais, contrairement à leurs propres génitrices qui se mouraient d’ennui au foyer, elles travaillent. Et continuent de faire tourner la maison. Qui parle de cela, aujourd’hui ? Qui s’adresse à ces femmes soumises à des journées à rallonge, à des bonshommes qui ne fichent pas grand-chose à la maison et auxquels il faut bien servir à souper lorsqu’ils rentrent à peine plus tard qu’elles le soir ? Qui les écoute, qui les comprend ? Personne ! Ah ça, c’est bien beau de fustiger le patriarcat, mais avant cela, il faut tenir compte des réalités de son époque ! » « L’heure des femmes » est un roman intelligent par sa construction, piquant dans les moments de luttes, tendre et émouvant dans les instants plus intimes. Que de chemin a été parcouru grâce à de telles personnalités !! C’est aussi parce que la souffrance des femmes a commencé à gronder et à s’exprimer que les combats ont été menés. Tous les personnages de ce roman apportent une pierre à l’édifice. Mireille et Suzanne révèlent une photographie très précise de la situation, Menie devient la femme de leurs combats, Esther fait revivre cette femme tout en présentant un instantané de la situation des femmes en 2023. Ces femmes, je les ai toutes aimées : fortes et fragiles, déterminées et dans le doute, mais avides de voir leur situation s’améliorer, leurs ignorances comblées, et leurs désirs ou non de maternité choisis. Pour m’imprégner du texte de « L’heure des femmes », j’ai alterné lecture papier et lecture audio. D’abord, parce que j’avais besoin de prendre des notes, mais aussi besoin de ressentir les émotions à travers les voix de Françoise Cadol et de Clémentine Domptail. C’est rare que je procède de cette manière, mais j’avais besoin d’une immersion totale. Que vous choisissiez l’une ou l’autre version, sachez que ce livre va vous remuer, vous ébranler, vous prendre aux tripes. J’observe la situation actuelle, les différents degrés dans le féminisme contemporain et je repense aux mots de Suzanne. « Si j’ai bien appris quelque chose ces dernières années, c’est qu’entre femmes il faut s’entraider. Personne ne le fera pour nous. » Progressons-nous réellement dans ce domaine-là ?
Catherine
6/4/2024
Passionnant !
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