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L'oblat

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Joris-Karl Huysmans (1848-1907)

"Durtal rĂ©sidait depuis plus de dix-huit mois dĂ©jĂ  au Val des Saints. Las de Chartres oĂč il s’était provisoirement fixĂ©, harcelĂ© par des appĂ©tences dĂ©rĂ©glĂ©es de cloĂźtre, il Ă©tait parti pour l’abbaye de Solesmes.

RecommandĂ© au supĂ©rieur de ce monastĂšre par l’abbĂ© Plomb, un des vicaires de la cathĂ©drale de Chartres, qui connaissait le RĂ©vĂ©rendissime de longue date, il avait Ă©tĂ© aimablement reçu, Ă©tait restĂ©, Ă  diverses reprises, plus de quinze jours, dans ce couvent et il en Ă©tait toujours revenu plus mal Ă  l’aise, plus incertain qu’avant. Il retrouvait avec allĂ©gresse ses vieux amis, l’abbĂ© GĂ©vresin et sa gouvernante, Mme Bavoil, rĂ©intĂ©grait avec un soupir de soulagement son logis et le mĂȘme phĂ©nomĂšne se produisait ; il Ă©tait peu Ă  peu ressaisi par le souvenir de cette existence conventuelle qui s’écartait complĂštement de celle qu’il avait autrefois vĂ©cue Ă  la Trappe.

Ce n’était plus, en effet, la rĂšgle de fer des Cisterciens, le silence perpĂ©tuel, les jeĂ»nes complets, le maigre ininterrompu, le coucher, tout habillĂ©, dans un dortoir, le lever Ă  deux heures, en pleine nuit, le travail de l’industrie ou le labeur de la terre ; les BĂ©nĂ©dictins pouvaient parler, usaient, certains jours, d’aliments gras, couchaient dĂ©shabillĂ©s, chacun, dans sa cellule, se levaient Ă  quatre heures, se livraient Ă  des travaux intellectuels, besognaient beaucoup plus dans les bibliothĂšques que dans les comptoirs de marchandises ou dans les champs."