C’est dans la plus joyeuse indiscipline littéraire que Mayron Schwartz, un écrivain juif athée néodarwinien, rédige ce qui ressemble à ses mémoires. D’une anecdote à l’autre comme défileraient des chars allégoriques, il tisse avec éclat et poésie le récit d’une vie marquée par l’amour.
Pourquoi en somme écrire ce livre ? Eh bien afin de faire, oui, un portrait un peu durable de ma vie, mais à partir de la vie des autres, comme lorsque vous construisez une grange avec ses quatre murs et son toit pour ensuite y mettre le foin, le foin étant vous-même, la matière nourricière, inflammable et périssable dont vous êtes fait. Mais que serais-je sans cette grange métaphorique que constitue la présence des autres ? Sans grand-père Aaron (poutre centrale), grand-mère Shamira (toit), grand-père Solomon (fenêtres), grand-mère Hannah (grenier pour les outils), papa (plancher renforcé), maman (mur est, face au soleil levant), Rivka (porte double avec ferrures articulées), le père Labranche (palan fixé à la poutre centrale, avec poulie et corde), mon ami Gabriel (lucarne au grenier), mon ami monsieur Vigneault (mur ouest, face au soleil couchant), etc. ? À présent voici une phrase cette fois très autobiographique : je ne vaux rien sans les autres, pas même le prix d’une courge à la foire maraîchère du village.