Ce soir-là , quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant.
Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude : ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d’autres que lui, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d’un enfant terrifié.
Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d’une nature aussi écrasante qu’indifférente à l’humain. Au fil de ces pages sublimes, elle interroge l’instinct paternel et le prix d’une possible renaissance.
Thierry Hancisse, de la Comédie-Française, épouse l’écriture de Sandrine Collette et le cheminement de Liam. Une interprétation magistrale !
Anonymous
8/22/2024
Très bien lu et très bien écrit
Aude
8/4/2024
Un soir d’été, une chasse pour nourrir les siens, des empreintes de la taille d’un ours autour de la maison au retour. Un homme retrouve sa femme morte. Elle a protégé leur fils Aru. Comme l’aurait fait n’importe quelle mère. Elle n’a pas pu. Pas eu la force physique. Pas eu le temps puisque tout s’est passé si vite. Quand on vit au cœur de la nature et loin des hommes, c’est une règle qu’il faut accepter. La nature règne en maître, l’homme n’est que toléré. Le monde s’effondre pour l’homme, « C’était comme si le paysage s’était obscurci autour de moi, la montagne teintée d’un voile noir je crois que c’étaient mes yeux. J’étais là et il y avait un tremblement de terre à l’intérieur de moi je ne savais pas comment je tenais debout. »Pourquoi elle et non le petit ? À choisir… le choix aurait été vite fait : « Un enfant ça se refait alors que rien ne ramènera ma femme et c’est une pensée qui pique les yeux. » Parce qu’Aru est trop jeune, trop faible, trop lourd à porter à bout de bras pour vivre dans cet environnement hostile où chaque jour il faut livrer bataille, Liam, le père décide qu’il est plus sage de l’envoyer loin, de le confier à d’autres… se s’en débarrasser. « On était des loups » est le récit d’un père face à lui-même, une introspection dans les replis de son âme, dans l’intimité de ses pensées. La littérature questionne souvent l’instinct maternel, plus rarement l’instinct paternel. Or, « On était des loups » explore au travers du drame et de l’intime, la relation d’un père avec son fils et l’ambivalence de ses émotions à son égard. Pas plus que l’instinct maternel, l’instinct paternel n’est vraiment acquis. Il se construit. Au rythme des doutes, des envies de protéger et de disparaître, de l’obligation d’éducation au défilement, de l’amour à l’embarras d’un obstacle supplémentaire qui empêche parfois de vivre sa propre vie. Il renvoie également de manière presque systématique et obsessionnelle à la relation avec son propre père. « Je me sens un peu minable, je ne suis pas meilleur que mon père ce salaud. C’est avec cette brutalité qu’on fait des générations de taré qui se suivent sans s’améliorer et je me demande si Aru plus tard sera aussi dur que moi et que mon père et mon grand-père pour le souvenir que j’en ai. S’il ne sait pas que d’autres façons d’être existent, bien sûr qu’il reproduira le seul modèle qu’il ait eu et ce modèle c’est moi et je ne pense pas que ce soit la meilleure chose qu’il puisse lui arriver. » Autant confier cette tâche d’éducation à meilleur que soi. Et comme dans la sphère animale, on se défait des plus faibles. Aru, très semblable au Corentin de « Et toujours les forêts » est l’enfant dont on ne veut pas, l’enfant qui encombre, l’enfant dont on ne sait quoi faire. Pour incarner Liam dans la version audio, il fallait une voix grave, une voix d’homme qui viendrait de se réveiller, qui aurait trop fumé la veille. La voix de Thierry Hancisse est profonde et rauque. De ces voix qui, en prononçant quelques mots, seulement, forcent l’autorité naturelle et le respect immédiat. Et pourtant… le désespoir de ce père est palpable à chaque mot. Il nous fait des confidences terribles sur ses émotions les plus intimes, il fait montre d’une extrême sensibilité alliée à une profonde tristesse. Sa voix est si expressive qu’elle vous coupe le souffle, vous empêche d’avancer alors que le passage piéton est au vert et que vous restez prostré sur le trottoir face à la désespérance de cet homme qui ne sait plus quel chemin prendre dans sa vie. Thierry Hancisse n’est plus un « simple lecteur », il EST le père, il l’incarne du plus profond de ses tripes et sa voix témoigne de tous les enjeux qui se jouent dans son esprit. À mon sens, le dialogue interne du père face à lui-même écrit par Sandrine Collette n’aurait pu trouver plus bel écrin. Le « je » qu’elle a voulu pour ce texte, celui qui fait exploser les émotions, l’absence de ponctuation qui rend la lecture délicate ne semble poser aucun problème au lecteur. La diction est fluide, les émotions sont à vif, et les images défilent devant nos yeux. L’auditeur est là , dans ces bois, caché derrière un arbre et vit les scènes comme si « Je » c’était lui. Comme Liam, il questionne l’animalité de l’homme. « (…) j’ai du mal à expliquer pourtant en ces temps-là je crois qu’il n’y avait pas ces haines et ces peurs, en ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes ça ne faisait pas de différence on était le monde. Le chant des loups nous appelle parce que c’est notre chant et aussi loin qu’on puisse remonter il y a l’éclat d’un animal en nous, c’est pour ça que ça m’émeut et que les larmes viennent brûler le bas de mes yeux. » La voix de Thierry Hancisse appose par petites touches des vestiges d’humanité… Quelque chose au fond de Liam, derrière la dureté des pensées, la sensibilité enterrée, le souvenir de sa femme l’empêche d’être tout à fait un loup, dans cette nature toute puissante où il est épineux d’entretenir son humanité, dans un univers où le poids de l’animalité souveraine résiste. La version papier était déjà émotionnellement difficile, mais la version audio est un crève-cœur. Chaque mot prend une ampleur décuplée, chaque phrase sonne comme une menace pour Aru, un déchirement pour le père, une fin annoncée qui se rapproche, puis s’éloigne. Au rythme des péripéties, la tension augmente progressivement, la voix de Thierry Hancisse se fait plus grave encore quand l’auditeur le pensait impossible… Les intermèdes musicaux choisis décuplent le côté sombre du roman, ils sont inquiétants et oppressants. Cette version audio sublime littéralement le roman. Un poison lent attaque progressivement vos tripes, un venin paralyse petit à petit le corps pour laisser toute la place à cette voix hypnotique. « Il y a quelque chose de mauvais en moi, quelque chose de faux aussi et ce que j’espère sans l’avouer c’est dégoûter Aru de moi, le dégoûter tellement qu’il s’en ira. » Plus encore que dans la version papier, l’auditeur suit le chemin spirituel du père, sa rhétorique dure, froide, insensible qui dit tantôt l’exact opposé de ce que le lecteur sent de ses véritables émotions, qui allume le brasier émotionnel et fait naître l’empathie. L’écoute se fait en apnée, comme s’il fallait chercher un texte caché derrière les mots, une vérité qui ne réside que dans ce qui est tu. Puis, au rythme de leur voyage, des moments passés à deux, de l’un qui apprivoise l’autre, et d’un évènement singulier, le texte gagne en respirations, et la voix de Thierry Hancisse nous laisse espérer… que quelque chose de plus lumineux va naître des épreuves vécues, une « émotion profonde viscérale racinaire ». Sandrine Collette possède une écriture qui se savoure parce que dans chaque phrase se niche une émotion, Thierry Hancisse l’exhalte et la porte aux nues. « On était des loups » en version audio c’est un moment hors du temps, magnétique, envoûtant, qui captive autant qu’il terrifie. Si vous voulez vous sentir vivant, sortez vos oreillettes et savourez.
Anonymous
5/6/2024
Très belle histoire et magnifiquement lu