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Portraits et souvenirs

E-book


On dirait qu'il s'est Ă©coulĂ© un siĂšcle depuis le temps oĂč

j'écrivais Harmonie et Mélodie, «Harmonie,» alors, signifiait science; «Mélodie,» inspiration. La situation s'est retournée; les amateurs qui refusaient de tenter le moindre effort pour comprendre la musique se sont pris de passion pour l'obscur et l'incompréhensible; «quand je comprends,» disent les purs, «c'est que cela est mauvais; quand je ne comprends pas, c'est que cela est bon». Ils sont irrités ou dédaigneux si les instruments de l'orchestre ne courent pas de tous cÎtés comme des rats empoisonnés; un accompagnement simple et

naturel leur fait hausser les Ă©paules.

La MĂ©lodie, naguĂšre objet d'une redoutable idolĂątrie, est

vilipendée; un simple chant, accompagné naturellement, semble

mĂ©prisable, et dans les compositions dĂ©pourvues de cet Ă©lĂ©ment, on prĂ©tend que la mĂ©lodie est «partout». Quelle plaisanterie! Nous connaissions cela, Ă  l'Ă©cole, quand on nous apprenait Ă  Ă©crire des fugues oĂč les diverses parties doivent ĂȘtre chantantes et vivre d'une vie propre, tout en concourant Ă  l'ensemble; c'est ce qui constitue le style horizontal en opposition avec le style vertical en accords plaquĂ©s. Ce n'est pas lĂ  de la mĂ©lodie.

Le gros public, heureusement, est resté naïf, et peu lui importent

les systÚmes, pourvu qu'on réussisse à l'intéresser.

On trouvera un peu de tout dans ce volume et beaucoup moins de polémique ici que dans Harmonie et Mélodie. Des anecdotes, des souvenirs sur quelques grands musiciens que j'ai connus, un peu de critique générale. Quant à de véritables mémoires, je n'en écrirai jamais.