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Reflets sur la route sombre

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Deux heures du matin, une nuit d'hiver, loin de tout, dans la profonde solitude des campagnes pyrĂ©nĂ©ennes. Du noir intense autour de moi, et sur ma tĂȘte des scintillements d'Ă©toiles. Du noir intense, des confusions de choses noires, ici, dans l'infime rĂ©gion terrestre oĂč vit et marche l'ĂȘtre infime que je suis ; un air pur et glacĂ©, qui dilate momentanĂ©ment ma poitrine d'atome et semble doubler ma vitalitĂ© Ă©phĂ©mĂšre. Et lĂ -haut, sur le fond bleu noir des espaces, les myriades de feux, les scintillements Ă©ternels. Deux heures du matin, le cƓur de la nuit, de la nuit d'hiver. L'Ă©toile du Berger, reine des instants plus mystĂ©rieux qui prĂ©cĂšdent le jour, brille dans l'Est de tout son Ă©clat blanc. La vie se tait partout, en un froid sommeil qui ressemble Ă  la mort ; mĂȘme les bĂȘtes de nuit ont fini de rĂŽder et sont allĂ©es dormir. Dehors, personne. Les laboureurs et les bergers, qui pourtant se lĂšvent avant l'aube, sont blottis pour des heures encore sous les toits des hameaux. Seuls peut-ĂȘtre, par les chemins, circulant dans le grand silence, trouverait-on les hommes que tient Ă©veillĂ©s l'amour ou le vagabondage, --- ou encore, en ce pays-ci, la contrebande. Sur la route oĂč je marche, la lumiĂšre palpitante des Ă©toiles semble tomber en pluie de phosphore. Et cette route, sĂšche et durcie, rĂ©sonne, vibre comme si le sol Ă©tait creux sous mes pas. D'ailleurs, je marche, je marche sans m'en apercevoir, tant est vivifiant cet air de la nuit ; mes jambes, dirait-on, vont d'elles-mĂȘmes, comme feraient des ressorts une fois pour toutes remontĂ©s, dont le mouvement ne donnerait plus aucune peine.