Max du Veuzit (1876-1952)
"Dans la grande salle moderne de l’hôtel Maureuse, rue de la Rochefoucauld, le repas de midi s’achevait.
En silence, les trois convives, repus, égrenaient lentement leurs grappes de raisin.
Fernand Maureuse, le maître de céans, posa tout à coup sa serviette en tampon sur la table. S’adressant à son fils, il dit :
– Ne t’éloigne pas, Daniel. J’ai besoin de parler longuement avec toi, avant d’aller à ma banque.
– Oh ! papa, excusez-moi ! protesta vivement le jeune homme. Vous m’avez laissé, ce matin, la liberté de ma journée !... Si vous m’aviez prévenu que vous désiriez m’entretenir, je me serais mis alors à votre disposition. Maintenant, j’ai pris ou accepté des rendez-vous. Je ne puis rester auprès de vous sans être obligé de décommander une bonne douzaine d’amis !
– Tant pis pour cette bonne douzaine-là, mon cher ! J’ai reçu, au courrier de dix heures, une lettre de ton grand-père qui te concerne. Il me faut en parler longuement avec toi.
Le visage du jeune homme se figea."
Anne de la Boissière, surnommée Sainte-Sauvage, est une jeune femme aristocrate vivant dans un autre monde que ses contemporains. La mort de son père la ruine et la laisse sans rien ; même la demeure ancestrale va être vendue. Le liquidateur des biens n'est autre que Daniel Maureuse, le petit-fils du principal créancier : Thomas Rasquin, l'ancien berger des la Boissière, un être avare et sans pitié, qui s'est enrichi...