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Un marquis de Carabas

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Delly (1875-1947) (1876-1949)

"Le thĂ© dansant que donnait aujourd’hui Mme Leduc, la femme du plus jeune mĂ©decin de Treilhac, rĂ©unissait Ă  peu prĂšs toute la meilleure sociĂ©tĂ© de la petite ville. L’hĂŽtesse allait de l’un Ă  l’autre, vive, aimable, un peu maniĂ©rĂ©e, bonne personne, d’ailleurs, comme le disait une vieille dame au profil de chĂšvre Ă  Mme Damplesmes, avec qui elle s’entretenait en regardant les Ă©volutions des danseurs.

L’autre – une blonde entre deux Ăąges, au visage fanĂ© – approuva du bout des lĂšvres. Puis elle ajouta avec une moue de dĂ©dain :

– Mais elle est bien peu intelligente, soit dit entre nous.

– Oh ! pas moins que beaucoup d’autres ! Seigneur ! que ces danses sont inĂ©lĂ©gantes ! Quand je pense Ă  celles de mon temps ! Tout cela est bien loin, hĂ©las !

Mme Damplesmes dit sentencieusement :

– Il faut ĂȘtre de son Ă©poque, madame. Voyez ma fille. Elle est trĂšs sĂ©rieuse, en dĂ©pit de ses allures plus libres que celles ayant cours autrefois.

La vieille dame jeta un coup d’Ɠil vers une petite blonde qui causait depuis un long moment dans une embrasure de fenĂȘtre avec un jeune homme Ă  mine de fat, vĂȘtu avec une Ă©lĂ©gance trop appuyĂ©e.

– Elle paraĂźt trouver Jean-Paul Morin Ă  son goĂ»t, votre Janine, ma chĂšre amie. "

Romance.

Lorenzo revient Ă  Treilhac aprĂšs avoir bourlinguĂ© en Afrique. On le croyait disparu ou mort. Ses misĂ©rables vĂȘtements prouvent Ă  tout le monde qu'il est bien un ratĂ© qui n'a pas su faire fortune. MĂȘme ses amis d'autrefois l'Ă©vitent... Son seul bien : la maison de son pĂšre qu'il a hĂ©ritĂ© et dans laquelle vit sa belle-mĂšre qui le dĂ©teste, son demi-frĂšre et sa demi-soeur...