Bolivie, Andes royales. Deux romans noirs, dans les rĂšgles, dĂ©senchantĂ©es, du genre. Ă La Paz, un chauffeur de taxi tente de changer son destin en revenant lĂ oĂč son braqueur a dĂ©posĂ© une valise. Plus au sud, un paysan veut comprendre la mort de son fils, et se heurte Ă lâimplacable duretĂ© des hommes.
Mais la noirceur est renforcĂ©e par le Vent froid de lâAltiplano. Ă plus de 3 500 mĂštres dâaltitude, il sâĂ©tend du lac Titicaca jusquâaux aires dĂ©sertiques du salar dâUyuni, plus grand dĂ©sert de sel au monde. Sur les rives de sa blancheur, la misĂšre noire de certains hommes que le vent andin transperce et emporte. La Paz, plus haute capitale du monde, est une ville oĂč lâon monte et descend. La Ville aux pentes dĂ©vale au pied des monts, dans un cratĂšre oĂč rĂšgne le manque dâoxygĂšne. Les vies y sont interchangeables comme des plaques dâimmatriculation.
Olivier Magnier ne verse dans aucune complaisance, il observe la violence et sa prĂ©sence sans fard. Sans explications non plus. Peu importe les chemins qui y ont menĂ© les ĂȘtres ou les peuples : quel que soit le dĂ©cor du roman noir, cette Ă©criture est faite de la noirceur des sociĂ©tĂ©s humaines. Sauf quâen AmĂ©rique du Sud, ce nâest pas seulement la sociĂ©tĂ© qui empoisonne les veines des hommes, câest aussi lâaccumulation dans lâhistoire de lâhumiliation et de la misĂšre. Et mĂȘme si la Bolivie a rĂ©cemment retrouvĂ© une fiertĂ©, câest au nom des dĂ©shĂ©ritĂ©s dâhier, dâaujourdâhui ou de demain, ici ou ailleurs, que ces histoires se sont Ă©crites. Pourtant, la poĂ©sie de lâauteur rĂ©chauffe le banal tissage de la fatalitĂ© oĂč quelques ĂȘtres tentent de ne pas mourir, face Ă lâimmense indiffĂ©rence de la nature. Lâaveuglante blancheur du salar et les rues de La Paz ne sont pas des cartes postales Ă touristes, elles portent la singularitĂ© autant que la banalitĂ© des sorts, oĂč quâils adviennent. Voici deux rĂ©cits, boliviens jusquâau cĆur des mots, dont on sait pourtant ce quâils ne sont surtout pas : des polars « exotiques ».