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Claude Monet

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Claude Monet (Paris, 1840 – Giverny, 1926)

Pour Claude Monet, le qualificatif d'impressionniste est toujours restĂ© un sujet de fiertĂ©. MalgrĂ© tout ce que les critiques ont pu Ă©crire sur son oeuvre, Monet n'a cessĂ© d'ĂȘtre vĂ©ritablement impressionniste jusqu'Ă  la fin de sa trĂšs longue vie. Il l'a Ă©tĂ© par conviction profonde, et peut-ĂȘtre a-t-il sacrifiĂ© Ă  son impressionnisme beaucoup d'autres possibilitĂ©s que lui offrait son immense talent. Monet n'a pas peint de compositions classiques avec des personnages, il n'est pas devenu portraitiste, bien que tout cela fĂ»t compris dans sa formation professionnelle. Il s'est choisi, en fait, un seul genre, celui du paysage, et il y a atteint un degrĂ© de perfection auquel aucun de ses contemporains n'a pu parvenir. Pourtant, le garçonnet avait commencĂ© par dessiner des caricatures. Puis Boudin lui conseilla d'abandonner la caricature et d'opter pour le paysage : c'est que la mer et le ciel, les animaux, les gens et les arbres sont beaux justement dans l'Ă©tat oĂč les a crĂ©Ă©s la nature, c'est-Ă -dire entourĂ©s d'air et de lumiĂšre. C'est en effet de Boudin que Monet hĂ©rita la conviction de l'importance du travail en plein air, conviction qu'il transmit plus tard Ă  ses amis impressionnistes. Monet ne voulut pas entrer Ă  l'École des Beaux-Arts. Il prĂ©fĂ©ra frĂ©quenter une Ă©cole privĂ©e, l'AcadĂ©mie Suisse, fondĂ©e par un ancien modĂšle, quai des OrfĂšvres, prĂšs du pont Saint-Michel. On pouvait y dessiner et peindre un modĂšle vivant pour une somme modique. C'est lĂ  que Monet rencontra le futur impressionniste Camille Pissarro. C'est ensuite dans l'atelier de Gleyre, que Monet rencontra Auguste Renoir, Alfred Sisley et FrĂ©dĂ©ric Bazille. Il parlait aussi Ă  ses amis d'un autre peintre qu'il avait Ă©galement trouvĂ© en Normandie. Il s'agissait de l'Ă©tonnant Hollandais Jongkind. «Il fut Ă  partir de ce moment mon vrai maĂźtre », disait Monet. «C'est Ă  lui que je dois l'Ă©ducation dĂ©finitive de mon oeil ». Ces paysagistes normands, Boudin et Jongkind, se rangent au nombre des maĂźtres directs des impressionnistes.

En 1871-1872, les paysages de Monet ne se distinguaient pas encore par une grande richesse de coloris ; ils rappelaient plutÎt les tonalités de la peinture des artistes de Barbizon ou les marines de Boudin. Il composait une gamme de coloris sur la base de tons marron-jaune et bleu-gris.

En 1877, lors de la troisiÚme exposition des impressionnistes, Monet présenta, pour la premiÚre fois, une série de tableaux : sept vues de la gare Saint-Lazare. Il les choisit parmi les douze toiles peintes dans la gare. Ce motif, dans l'oeuvre de Monet, est dans la ligne non seulement du Chemin de fer de Manet et de ses propres paysages, avec trains et gare, à Argenteuil, mais aussi de la tendance qui commença à se manifester avec l'apparition des chemins de fer. Un beau matin, il réveilla Renoir avec un cri de victoire : «J'ai trouvé, la gare Saint-Lazare ! Au moment des départs, les fumées des locomotives y sont tellement épaisses qu'on n'y distingue à peu prÚs rien. C'est un enchantement, une véritable féerie ». Il n'avait pas l'intention de peindre la gare Saint-Lazare de mémoire ; il voulait saisir les jeux de lumiÚre du soleil sur les nuages de vapeur qui s'échappaient des locomotives.

En 1883, Monet avait achetĂ© une maison dans le village de Giverny, Ă  proximitĂ© de la petite ville de Vernon. À Giverny, les sĂ©ries devinrent une des principales mĂ©thodes de travail en plein air de Monet. Quand un journaliste, venu de VĂ©theuil pour interviewer Monet, lui demanda oĂč se trouvait son atelier, le peintre rĂ©pondit : «Mon atelier ! Mais je n'ai jamais eu d'atelier, moi, et je ne comprends pas qu'on s'enferme dans une chambre. Pour dessiner, oui, pour peindre, non ». Montrant d'un geste large la Seine, les collines et la silhouette de la petite ville, il dĂ©clara : «VoilĂ  mon atelier, Ă  moi » DĂšs la derniĂšre dĂ©cennie du XIXe siĂšcle, Monet commença Ă  aller Ă  Londres...