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Jacques le fataliste et son maître

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« ‘Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.’ Cet incipit à la superbe ironie donne le ton du roman, ou plutôt du non-roman de Diderot. A la fois récit picaresque, écheveau de contes, de nouvelles, de fables, de portraits, libre suite d’essais philosophiques ou moraux, de dissertations, d’exposés, et parfois de simples bons mots, « Jacques le fataliste » se joue de toute tentative de classification et annonce les plus audacieuses émancipations littéraires. S’il hérite de célèbres devanciers telles que « Don Quichotte », « Gil Blas » ou « Vie et opinions de Tristram Shandy », sa structure à tiroirs, le roman apporte une liberté de ton toute nouvelle. Le récit des amours de Jacques, sans cesse interrompu et remis, n’apparaît finalement que comme le prétexte à de multiples digressions et commentaires, adresses, lazzis. Pour l’une des toutes premières fois, le sujet de l’œuvre devient son objet : les questions du libre arbitre, de la responsabilité, de la fatalité, de la providence ou même d’une présence divine constituent les thèmes d’une écriture qui ose tout. Quelle est notre liberté ? Que décidons-nous de notre vie ? Doit-on croire ? Pourquoi écrire ? Que dire ? Ce parcours écrasant imposait un comédien virtuose, capable de rendre justice aux multiples mouvements du récit. Didier Bezace incarne avec densité et finesse les multiples personnages de « Jacques… » et on imagine difficilement une autre voix pour faire entendre l’inouï – dans le plein sens du terme – humour de Diderot. »

Claude Colombini-Frémeaux