Stendhal (1783-1842)
"La petite ville de VerriĂšres peut passer pour lâune des plus jolies de la Franche-ComtĂ©. Ses maisons blanches avec leurs toits pointus de tuiles rouges sâĂ©tendent sur la pente dâune colline, dont des touffes de vigoureux chĂątaigniers marquent les moindres sinuositĂ©s. Le Doubs coule Ă quelques centaines de pieds au-dessous de ses fortifications bĂąties jadis par les Espagnols, et maintenant ruinĂ©es.
VerriĂšres est abritĂ© du cĂŽtĂ© du nord par une haute montagne, câest une des branches du Jura. Les cimes brisĂ©es du Verra se couvrent de neige dĂšs les premiers froids dâoctobre. Un torrent, qui se prĂ©cipite de la montagne, traverse VerriĂšres avant de se jeter dans le Doubs, et donne le mouvement Ă un grand nombre de scies Ă bois, câest une industrie fort simple et qui procure un certain bien-ĂȘtre Ă la majeure partie des habitants plus paysans que bourgeois. Ce ne sont pas cependant les scies Ă bois qui ont enrichi cette petite ville. Câest Ă la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que lâon doit lâaisance gĂ©nĂ©rale qui, depuis la chute de NapolĂ©on, a fait rebĂątir les façades de presque toutes les maisons de VerriĂšres.
Ă peine entre-t-on dans la ville que lâon est Ă©tourdi par le fracas dâune machine bruyante et terrible en apparence. Vingt marteaux pesants, et retombant avec un bruit qui fait trembler le pavĂ©, sont Ă©levĂ©s par une roue que lâeau du torrent fait mouvoir. Chacun de ces marteaux fabrique, chaque jour, je ne sais combien de milliers de clous. Ce sont de jeunes filles fraĂźches et jolies qui prĂ©sentent aux coups de ces marteaux Ă©normes les petits morceaux de fer qui sont rapidement transformĂ©s en clous. Ce travail, si rude en apparence, est un de ceux qui Ă©tonnent le plus le voyageur qui pĂ©nĂštre pour la premiĂšre fois dans les montagnes qui sĂ©parent la France de lâHelvĂ©tie. Si, en entrant Ă VerriĂšres, le voyageur demande Ă qui appartient cette belle fabrique de clous qui assourdit les gens qui montent la grande rue, on lui rĂ©pond avec un accent traĂźnard : Eh ! elle est Ă M. le maire."
Le jeune Julien Sorel, fils de charpentier franc-comtois et passionnĂ© de NapolĂ©on, semble se destiner Ă la prĂȘtrise. Il devient le prĂ©cepteur des enfants du maire, M. de RĂȘnal. Il tombe amoureux de l'Ă©pouse de celui-ci.
Anonymous
6/15/2023
Lecture agréable