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Un voleur

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J.-H. Rosny Aîné (1856-1940)

"Nous partons après-demain pour Vichy, dit la vieille Mme Rivelaines pendant un entr’acte de Topaze.

Roland de Langares pâlit sous le coup.

– J’ai le foie fatigué, soupira la dame... Il paraît qu’il me faut boire leur eau sur place, à la source. Je suis sceptique, mais disciplinée : j’obéis !

Comme l’homme emporté par la rivière, Roland s’accrocha à la première touffe d’herbes :

– Mme Montaverne vous accompagne ?

– Et qui m’accompagnerait ? se récria Mme Rivelaines, indignée.

C’était la catastrophe. Roland regarda l’étincelante Gilberte Montaverne avec désespoir.

Tous ses goûts l’avaient entraîné vers cette femme, avant l’amour même. Jamais elle ne l’avait déçu. Attaché à elle comme à sa propre vie, il ne concevait plus qu’aucune autre, jusqu’à la fin de ses jours, pût la remplacer.

C’était une de ces rencontres rares, où les préférences innées interviennent. Presque toujours, nous faisons nos pauvres amours selon les hasards – nous sommes forcés de nous adapter aux êtres, de les embellir par des qualités imaginaires.

Rien de pareil pour Gilberte ; Roland avait mieux compris, de jour en jour, pourquoi il l’aimait.

Roland est amoureux de Gilberte mais celle-ci est mariée. Par amitié, il accompagne Gilberte et sa tante, Mme Rivelaines au théâtre. Cette dernière, qui est riche, perd son portefeuille ; Roland le ramasse et le garde... 20.000 franc... une somme inespérée pour lui !