LE FIASCO DE LOS AMIGOS
I
JâĂ©tais le principal mĂ©decin exerçant Ă Los Amigos.
Tout le monde, Ă©videmment a entendu parler de la grande usine dâĂ©lectricitĂ© qui sây trouve.
La ville est trĂšs Ă©tendue, et il y a des douzaines de petites villes et de villages tout autour, qui sont alimentĂ©s par ce mĂȘme centre, de sorte que lâinstallation a Ă©tĂ© faite sur une trĂšs grande Ă©chelle.
Les gens de Los Amigos disent quâelle est la plus grande du monde, mais alors nous devons en dire autant pour tout ce qui existe Ă Los Amigos, sauf la prison et la mortalitĂ©.
On dit que celles-ci sont les plus petites de la terre entiĂšre.
Avec une si grande provision dâĂ©lectricitĂ©, on trouva que câĂ©tait faire un impardonnable gaspillage de chanvre que dâexĂ©cuter Ă la mode dâautrefois.
On apprit alors les Ă©lectrocutions employĂ©es dans lâEst pour nettoyer la terre de malfaiteurs avĂ©rĂ©s, et on sut, quâaprĂšs tout, le rĂ©sultat nâĂ©tait pas aussi instantanĂ© quâon lâavait espĂ©rĂ©.
Les ingĂ©nieurs de lâOuest fronçaient leurs sourcils lorsquâils lisaient les faibles chocs par lesquels ces hommes avaient pĂ©ri, et ils jurĂšrent quâĂ Los Amigos, lorsque quelque incorrigible se trouverait sur leur chemin, on le traiterait de belle façon, et quâon lui enverrait le courant de toutes les grosses dynamos.
â On ne regarderait pas Ă la dĂ©pense, disaient les ingĂ©nieurs ; il recevrait tout ce quâelles peuvent donner.
Quel serait le résultat, nul ne pouvait le prévoir, sauf que ce serait foudroyant, mortel.
Jamais auparavant un homme nâaurait Ă©tĂ© aussi chargĂ© dâĂ©lectricitĂ© quâils lui en donneraient.
Il serait frappé par une concentration de dix coups de foudre.
Les uns prĂ©disaient une combustion, dâautres la dĂ©sintĂ©gration et lâanĂ©antissement.
Tous ces savants personnages attendaient avec impatience que la question fût réglée par une démonstration pratique, et ce fut juste à ce moment que se présenta Duncan Warner.
Pendant plusieurs annĂ©es, Warner avait Ă©tĂ© recherchĂ© au nom de la loi, et personne, en dehors dâelle, ne se souciait de lui.
ForcenĂ©, assassin, pilleur de trains, voleur de grand chemin, câĂ©tait un homme qui avait excĂ©dĂ© les limites de la pitiĂ© humaine.
Il avait mĂ©ritĂ© une douzaine de fois la mort, et les habitants de Los Amigos lâadmiraient malgrĂ© eux, dâĂȘtre un individu aussi remarquable.
Il semblait se reconnaĂźtre indigne de cette admiration ; car il fit deux tentatives violentes dâĂ©vasion.
CâĂ©tait un homme fort, musclĂ©, avec une tĂȘte de lion, des boucles noires entremĂȘlĂ©es, une longue barbe qui couvrait sa large poitrine.
Pendant son procĂšs, il nây avait pas de tĂȘte aussi belle dans la foule du prĂ©toire.
Ce nâest pas une chose nouvelle de trouver sur le banc des accusĂ©s les plus beaux visages. Mais sa belle apparence ne pouvait contrebalancer ses mauvaises actions.
Son avocat fit tout ce quâil put, mais les cartes lui Ă©taient contraires, et Duncan Warner fut condamnĂ© Ă subir la merci et la misĂ©ricorde des grosses dynamos de Los Amigos.
JâĂ©tais Ă la rĂ©union du comitĂ© lorsque le sujet fut discutĂ©.
Le conseil de la ville avait choisi quatre experts pour sâoccuper des prĂ©paratifs.
Trois dâentre eux Ă©taient merveilleux.
CâĂ©tait Joseph Mac Connor, lâhomme qui avait en personne dessinĂ© les dynamos, et Joshua Westmacott, le prĂ©sident de la Compagnie de distribution dâĂ©lectricitĂ© de Los Amigos.
Puis, il y avait moi-mĂȘme, comme mĂ©decin chef, et finalement un vieil Allemand du nom de Peter Stulpnagel.
Les Allemands formaient un groupement compact Ă Los Amigos.
Tous votĂšrent pour leur candidat.
Câest ainsi quâil fit partie du comitĂ©.
On disait quâil avait Ă©tĂ© un merveilleux Ă©lectricien dans son pays.
Il travaillait toujours avec des fils, des isolateurs et des bouteilles de Leyde.
Mais, comme il ne parut jamais avoir un autre but, ni obtenir de rĂ©sultats dignes dâĂȘtres publiĂ©s, on avait fini par le considĂ©rer comme un individu inoffensif qui avait fait de la science sa marotte.
Nous autres, les trois praticiens en divers genres, nous sourĂźmes en apprenant quâil avait Ă©tĂ© Ă©lu notre collĂšgue, et au comitĂ© nous arrangeĂąmes en famille les choses entre nous, sans songer beaucoup au vieux compagnon qui se tenait assis, ses mains formant pavillon Ă ses oreilles, car il avait lâouĂŻe un peu dure, ne se mĂȘlant pas plus de la discussion que les messieurs de la presse qui prenaient des notes sur les bancs, en arriĂšre du comitĂ©.
Nous ne fûmes pas longs à tout arranger.
Ă New York, une force de deux mille volts avait Ă©tĂ© employĂ©e, et la mort nâavait pas Ă©tĂ© instantanĂ©e.
Ăvidemment, le choc avait Ă©tĂ© trop faible.
Los Amigos ne tomberait pas dans cette erreur.
La charge serait six fois plus grande et, par suite, naturellement six fois plus effective.
Rien ne pouvait ĂȘtre plus logique que ce raisonnement.
On concentrerait sur Duncan Warner la puissance des grandes dynamos.
Câest ce qui fut convenu entre nous, et nous nous Ă©tions dĂ©jĂ levĂ©s pour mettre fin Ă la sĂ©ance, lorsque notre silencieux compagnon ouvrit la bouche pour la premiĂšre fois.
â Messieurs, dit-il, vous paraissez montrer une ignorance extraordinaire au sujet de lâĂ©lectricitĂ©. Vous ne possĂ©dez pas les premiers principes sur son action sur lâĂȘtre humain.
Le comitĂ© fut sur le point de rĂ©pondre avec colĂšre Ă ce commentaire, mais le prĂ©sident de la Compagnie Ă©lectrique frappa sur son front, comme pour demander lâindulgence pour la hardiesse de lâorateur.
â Veuillez nous dire, monsieur, dit-il avec un sourire ironique, ce que vous trouvez dâerronĂ© dans nos conclusions.
â Votre affirmation quâune forte dose dâĂ©lectricitĂ© augmentera simplement lâeffet dâune petite dose. Ne croyez-vous pas quâil soit diamĂ©tralement opposĂ© ? Savez-vous quelque chose, par expĂ©rience pratique, des effets de chocs aussi puissants ?
â Nous le savons par analogie, dit pompeusement le prĂ©sident. Toutes les drogues augmentent leur effet quand on en augmenta la dose. Par exemple⊠par exempleâŠ
â Le whisky, dit Joseph Mac Connor.
â Justement, le whisky, vous voyezâŠ
Peter Stulpnagel sourit et secoua la tĂȘte.
â Votre argument nâest pas trĂšs bon, dit-il. Quand jâavais lâhabitude de prendre du whisky, je trouvais dâordinaire quâun verre mâexcitait, mais que six me faisaient dormir, ce qui est juste le contraire. Maintenant, supposez que lâĂ©lectricitĂ© agisse juste en sens contraire, quâarrivera-t-il alors ?
Nous autres, les trois praticiens, nous partĂźmes dâun Ă©clat de rire.
Nous savions que notre collĂšgue Ă©tait un original, mais nous nâavions jamais pensĂ© quâil le fĂ»t Ă ce point.
â Quâarrivera-t-il, alors ?⊠rĂ©pĂ©ta Peter Stulpnagel.
â Nous courrons le risque, dit le prĂ©sident.
â Je vous prie de considĂ©rer, dit Peter, que des ouvriers qui ont touchĂ© les fils et qui ont reçu le choc de seulement quelques centaines de volts, sont morts instantanĂ©ment. Le fait est bien connu. Et cependant, lorsquâune force beaucoup plus grande fut employĂ©e sur un criminel Ă New York, lâhomme rĂ©sista quelque temps. Ne voyez-vous pas clairement quâune dose plus petite est plus sĂ»rement mortelle ?
â Je pense, messieurs, que cette discussion a assez durĂ©, dit le prĂ©sident en se levant de nouveau. La question a dĂ©jĂ Ă©tĂ© rĂ©glĂ©e par la majoritĂ© du comitĂ©, et Duncan Warner sera Ă©lectrocutĂ© mardi, en mettant en jeu toutes les puissances des dynamos de Los Amigos. Nâest-ce pas cela ?
â Dâaccord, dit Joseph Connor.
â Dâaccord, dis-je.
â Et moi, je proteste, dit Peter Stulpnagel.
â La motion est votĂ©e. Votre protestation sera dĂ»ment portĂ©e au procĂšs-verbal, dit le prĂ©sident, et la sĂ©ance fut levĂ©e.
II
Ă lâĂ©lectrocution, lâassistance Ă©tait trĂšs rĂ©duite.
Les quatre membres du comitĂ© Ă©taient naturellement prĂ©sents avec lâexĂ©cuteur qui devait opĂ©rer sous leurs ordres.
Les autres tĂ©moins Ă©taient le Marshall des Ătats-Unis, le gouverneur de la prison, lâaumĂŽnier et trois membres de la presse.
La chambre dâexĂ©cution Ă©tait une petite piĂšce en briques, qui formait un pavillon extĂ©rieur Ă la station centrale Ă©lectrique.
Elle avait servi de buanderie.
Il y avait une Ă©tuve et une chaudiĂšre dâun cĂŽtĂ© ; mais pas dâautres meubles, sauf une simple chaise pour le condamnĂ©.
Une plaque de métal pour y reposer ses pieds était placée devant la chaise.
Un gros fil isolé y aboutissait.
Au-dessus, un autre fil pendait du plafond, on pouvait le joindre avec une petite baguette mĂ©tallique, qui Ă©mergeait dâun bonnet qui devait ĂȘtre placĂ© sur sa tĂȘte.
Lorsque les deux piÚces seraient reliées, la derniÚre heure de Warner aurait sonné.
Il régnait un silence solennel tandis que nous attendions le prisonnier.
Les ingénieurs étaient un peu pùles et maniaient nerveusement les fils.
Le Marshall lui-mĂȘme, quoique endurci, Ă©tait mal Ă lâaise, car une simple pendaison Ă©tait une chose, et cette combustion de chair et de sang en Ă©tait une autre trĂšs diffĂ©rente.
Quant les journalistes, leur figure Ă©tait plus blanche que les feuilles de papier sur lesquelles ils devaient Ă©crire leur compte-rendu.
Le seul homme qui ne paraissait pas influencĂ© par ces prĂ©paratifs Ă©tait le petit bonhomme allemand, qui allait de lâun Ă lâautre, le sourire sur les lĂšvres et de la malice dans les yeux.
Plus dâune fois, mĂȘme, il laissa entendre un Ă©clat de rire, au point que lâaumĂŽnier dut le rĂ©primander sĂ©vĂšrement pour sa lĂ©gĂšretĂ© dĂ©placĂ©e.
â Comment pouvez-vous vous oublier Ă ce point, monsieur Stulpnagel, de plaisanter en prĂ©sence de la mort ?âŠ
Mais lâAllemand nâĂ©tait nullement intimidĂ©.
â Si jâĂ©tais en prĂ©sence de la mort, rĂ©pliqua-t-il, je ne plaisanterais pas ; comme je nây suis pas, je fais ce que bon me semble.
Cette rĂ©ponse cavaliĂšre allait amener un autre reproche plus sĂ©vĂšre encore de la part de lâaumĂŽnier, lorsque la porte sâouvrit, et deux gardiens entrĂšrent, conduisant Duncan Warner.
Il jeta un regard autour de lui, le visage calme, et sâavança rĂ©solument.
De lui-mĂȘme, il sâassit sur la chaise.
â Lancez votre dĂ©charge ! dit-il.
Il Ă©tait barbare de le laisser en suspens.
LâaumĂŽnier lui murmura quelques mots Ă lâoreille.
Lâaide lui plaça le bonnet sur la tĂȘte, et alors, tandis que nous retenions notre souffle, le fil et le mĂ©tal furent amenĂ©s en contact.
â Grand Dieu ! cria Duncan Warner.
Il avait bondi sur sa chaise lorsque lâĂ©pouvantable secousse parcourut son systĂšme nerveux. Mais il nâĂ©tait pas mort.
Au contraire, ses yeux Ă©taient beaucoup plus brillants quâauparavant.
Il nây avait quâun changement, mais il Ă©tait singulier.
Le noir de ses cheveux et de sa barbe avait disparu comme une ombre disparaĂźt dâun paysage.
Ils Ă©taient devenus blancs comme neige.
Et cependant, il nây avait pas dâautre signe de dĂ©pĂ©rissement.
Sa peau Ă©tait douce, potelĂ©e, luisante comme celle dâun enfant.
Le Marshall lança un regard de reproche au comité.
â Il me semble quâil y a quelque chose qui ne va pas, messieurs, dit-il.
Nous autres, les trois praticiens, nous nous regardĂąmes.
Peter Stulpnagel souriait pensivement.
â Je pense quâune seconde dĂ©charge fera lâaffaire, dis-je.
On rétablit de nouveau la liaison des fils, et de nouveau, Duncan Warner bondit sur sa chaise et poussa un cri.
Certes, si ce nâĂ©tait quâil Ă©tait restĂ© sur sa chaise, aucun de nous nâaurait pu le reconnaĂźtre.
Ses cheveux et sa barbe avaient Ă©tĂ© Ă©parpillĂ©s en un instant, et la chambre avait lâair dâune boutique de barbier un samedi soir.
Le condamnĂ© Ă©tait assis lĂ , ses yeux brillants, sa peau reflĂ©tant une santĂ© parfaite, le crĂąne chauve comme un fromage de Hollande, son menton sans aucune trace dâaffaissement.
Il commença par remuer un bras, dâabord lentement et avec quelque apprĂ©hension, puis avec plus de confiance.
â VoilĂ , dit-il, ce qui va embarrasser la moitiĂ© des mĂ©decins du versant du Pacifique. Ce membre est aussi bon que sâil Ă©tait neuf, aussi frais quâune baguette de noyer.
â Vous sentez vous tout Ă fait bien, dit le vieil Allemand.
â Je ne me suis jamais senti mieux de ma vie, dit gaiement Duncan Werner.
La situation était pénible.
Le Marshall regardait le comité.
Peter Stulpnagel riait et se frottait les mains.
Les ingĂ©nieurs se grattaient la tĂȘte.
Le prisonnier chauve agitait les bras et semblait heureux.
â Je crois quâune troisiĂšme dĂ©charge,⊠commença le prĂ©sident.
â Non, monsieur, dit le Marshall, voilĂ assez de sottises pour une matinĂ©e. Nous sommes ici pour une exĂ©cution, et nous aurons une exĂ©cution.
â Quâest-ce que vous proposez ?
â Il y a un crampon tout prĂȘt au plafond : allez chercher une corde, et nous aurons bientĂŽt fait de rĂ©tablir les choses.
Il y eut une autre terrible attente, tandis que les gardiens allaient chercher une corde.
Peter Stulpnagel se pencha sur Duncan Warner et lui chuchota quelque chose Ă lâoreille.
Le criminel eut un sursaut de surprise.
â Vous ne le dites pas ? demanda-t-il.
LâAllemand secoua la tĂȘte.
â Quoi ! pas moyen ?
Peter secoua la tĂȘte, et tous deux se mirent Ă rire comme sâils avaient Ă©changĂ© quelque grosse plaisanterie entre eux.
La corde fut apportĂ©e, et le Marshall lui-mĂȘme passa le nĆud coulant autour du cou du criminel.
Alors les deux gardiens, lâaide et lui hissĂšrent leur victime en lâair.
Pendant une demi-heure, il resta suspendu au plafond, affreux spectacle.
Alors, dans un silence solennel, on le redescendit ; lâun des gardiens sortit pour donner lâordre dâamener la biĂšre.
Mais Ă notre grande surprise, dĂšs quâil eut touchĂ© terre, Duncan Warner porta ses mains Ă son cou, dĂ©fit le nĆud et respira longuement, profondĂ©ment.
â La vente marche bien chez Paul Jefferson, remarqua-t-il. De lĂ -haut, je voyais la fouleâŠ
Et il montrait le crampon au plafond.
â Remontez-le ! cria le Marshall ; il faut que nous ayons sa vie, coĂ»te que coĂ»te.
En un instant la victime était remontée au crampon.
On le laissa lĂ une heure, mais quand il redescendit, il causait trĂšs paisiblement.
â Le vieux Plimket va trop au Salon dâArcadie, dit-il. Il y est entrĂ© trois fois en une heure et il a une famille ! Le vieux Plimket ferait bien dây renoncer.
III
CâĂ©tait monstrueux et incroyable, mais câĂ©tait rĂ©el.
Il nây avait pas dâĂ©chappatoire.
Lâhomme Ă©tait lĂ qui causait, alors quâil aurait dĂ» ĂȘtre mort.
Nous restĂąmes tous Ă le regarder avec Ă©tonnement, mais le Marshall nâĂ©tait pas homme Ă se laisser dĂ©monter si facilement.
Il fit ranger tout le monde dâun cĂŽtĂ©, de maniĂšre que le prisonnier restĂąt isolĂ©.
â Duncan Warner, dit-il lentement, vous ĂȘtes ici pour jouer votre rĂŽle, et je suis ici pour jouer le mien. Votre jeu est de vivre si vous pouvez, et mon jeu est dâexĂ©cuter la sentence de la loi⊠Vous nous avez battus en Ă©lectricitĂ© : je vous donne un point. Vous nous avez battus en pendaison, car vous avez lâair de vous en trouver bien. Maintenant, câest Ă mon tour de vous battre, car je dois faire mon devoirâŠ
Tout en parlant, il tira un revolver Ă six coups de son habit, et tira toutes les balles Ă travers le corps du prisonnier.
La chambre Ă©tait si remplie de fumĂ©e que nous ne pouvions rien voir, mais quand elle sâĂ©claircit, le prisonnier Ă©tait encore lĂ , debout, regardant dâun air mĂ©content le devant de son habit.
â Les vĂȘtements doivent coĂ»ter bon marchĂ© dâoĂč vous venez, dit-il. Celui-ci mâa coĂ»tĂ© trente dollars, et voyez-le, transformĂ© en Ă©cumoire, maintenant. Les six trous sur le devant sont assez dĂ©sagrĂ©ables, mais quatre des balles ont traversĂ© de part en part, et le dos doit ĂȘtre dans un bel Ă©tatâŠ
Le revolver du Marshall lui tomba des mains, il laissa retomber ses bras.
Il Ă©tait battu.
â Peut-ĂȘtre lâun de vous, messieurs, pourrait me dire ce que cela signifie, dit-il, regardant les membres du comitĂ© dâun air dĂ©couragĂ©.
Peter Stulpnagel fit un pas en avant.
â Je vais tout vous expliquer, dit-il.
â Vous avez lâair dâĂȘtre le seul qui y connaisse quelque chose.
â Je suis la seule personne qui y connaisse quelque chose. Jâaurais voulu prĂ©venir ces messieurs, mais comme ils nâont pas consenti Ă mâĂ©couter, je les ai laissĂ©s sâinstruire par lâexpĂ©rience. Ce que vous avez fait avec lâĂ©lectricitĂ©, çâa Ă©tĂ© dâaugmenter la vitalitĂ© de cet homme au point quâil dĂ©fie la mort pour des siĂšclesâŠ
â Des siĂšcles !
â Oui, il faudra des centaines dâannĂ©es pour Ă©puiser lâĂ©norme Ă©nergie nerveuse que vous avez versĂ©e sur lui. LâĂ©lectricitĂ©, câest la vie ; et vous lâen avez surchargĂ© Ă lâextrĂȘme. Peut-ĂȘtre, dans cinquante ans vous pourriez lâexĂ©cuter, mais je nâen suis pas trĂšs certain.
â Grand Dieu ! Que vais-je en faire, sâĂ©cria le malheureux Marshall.
Peter Stulpnagel haussa les Ă©paules.
â Il me semble que peu importe ce que vous en ferez maintenant, dit-il.
â Peut-ĂȘtre pourrions-nous faire pleuvoir sur lui lâĂ©lectricitĂ© de nouveau. Supposez que nous le pendions par les piedsâŠ
â Non, non, il ne sâagit pas de cela.
â Bien, bien⊠de toute façon, il ne commettra plus de mĂ©faits Ă Los Amigos maintenant, dit le Marshall avec dĂ©cision. Il ira Ă la nouvelle prison : la prison lâusera.
â Au contraire, dit Peter Stulpnagel, je crois quâil est beaucoup plus probable quâil usera la prison :
CâĂ©tait un fiasco.
IV
Pendant des annĂ©es, nous nâen avons plus parlĂ©, mais maintenant ce nâest plus un secret, et jâai pensĂ© quâil vous serait agrĂ©able dâen prendre note sur votre carnetâŠ
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