Delly (1875-1947) (1876-1949)
"Les vitres voilĂ©es de tulle sâenflammaient aux lueurs orangĂ©es du soleil couchant. La lumiĂšre pĂ©nĂ©trait en flots ardents dans le petit salon, se jouait sur les meubles de style, les bibelots artistiques, les grands palmiers ombrageant de fines et blanches statuettes, et enveloppait dâun rayonnement fauve la jeune fille enfoncĂ©e dans une bergĂšre, oĂč sa mince personne disparaissait presque.
Jeune fille ou enfant ?... Cette seconde hypothĂšse semblait admissible en considĂ©rant ses traits frĂȘles, ses formes graciles et la natte de cheveux noirs rejetĂ©e sur son Ă©paule. Mais il suffisait de rencontrer les yeux magnifiques, dâun bleu sombre, qui Ă©clairaient ce pĂąle et fin visage, pour pressentir lâexistence dâune Ăąme dĂ©jĂ formĂ©e. Il y avait, dans ces yeux-lĂ , une profondeur de pensĂ©e qui eĂ»t semblĂ© excessive chez une si jeune crĂ©ature sans le charme de candeur, dâenfantine simplicitĂ© Ă©manant de cette physionomie dĂ©licate et lui communiquant une mystĂ©rieuse attirance.
La jeune fille avait laissĂ© tomber son ouvrage sur ses genoux et, croisant les mains sur sa jupe de deuil, elle laissait errer autour dâelle son regard empreint de rĂ©flexion triste... Tout contre elle Ă©tait blottie une petite forme noire â noire des pieds Ă la tĂȘte, car la chevelure bouclĂ©e avait des tons dâĂ©bĂšne rivalisant avec lâĂ©toffe de deuil. Seules, deux trĂšs petites mains se montraient, serrant avec force la robe de la jeune fille.
Tout Ă coup, des plis de la jupe de cachemire sortit un visage dâenfant..."
A la mort de leur pÚre, Alix de Sezannek et ses deux frÚres, déjà orphelins de mÚre, doivent partir vivre chez leur grand-pÚre maternel, le comte de Regbrenz, en Bretagne. Ils ne le connaissent pas car ce dernier a renié sa fille autrefois...