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Le testament de M. d'Erquoy

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Delly (1875-1947) (1876-1949)

"– T’as pas fini, s’pĂšce de courge, d’écouter les mĂŽmeries de la fille Ă  Plautin ?

À cette aimable interpellation, Ernestine Baujoux se dĂ©tourna de la fenĂȘtre ouverte par oĂč lui arrivaient les paroles d’un cantique, que chantait une fraĂźche voix d’enfant. Son visage couperosĂ©, sur lequel une ombre d’émotion semblait passer tout Ă  l’heure, avait dĂ©jĂ  repris l’expression maussade et amĂšre qui lui Ă©tait habituelle.

– Ça me rappelait le temps passĂ©... quand on croyait Ă  tout ça, dit-elle en levant les Ă©paules.

Isidore Baujoux ricana :

– Ah ! oui, il est passĂ© !... Quand on pense, tout de mĂȘme, qu’on voulait nous faire avaler ça ! Vrai, les parents Ă©taient de drĂŽles d’abrutis, et si nous avions Ă©coutĂ© leurs leçons, nous serions encore les esclaves des curĂ©s et des patrons... Pas vrai, Achille ?

Ces mots s’adressaient Ă  un garçonnet d’une douzaine d’annĂ©es, entrĂ© derriĂšre lui, et qui venait de jeter au hasard, dans un coin, son cartable dĂ©chirĂ© d’oĂč sortaient des livres en lambeaux. À la question de son pĂšre, il planta ses mains dans ses poches, en rĂ©pondant d’un air important :

– C’est ce que M’sieu Palot nous a dit hier en classe, papa. Les prĂȘtres, c’est eux qui sont cause de tout, c’est Ă  cause d’eux que le peuple est malheureux... Et puis, il a dit aussi : « Faut pas se gĂȘner dans la vie, mes enfants, il s’agit de se donner toutes les jouissances possibles, il n’y a que ça de vrai, voyez-vous. »

Un rire bĂ©at s’épanouit sur le visage d’Isidore, creusĂ©, ravagĂ© par l’alcool, et oĂč brillaient des yeux qui tĂ©moignaient que l’époux d’Ernestine n’avait pas nĂ©gligĂ©, encore ce matin, son absinthe accoutumĂ©e."

M. d'Erquoy est un vieil avare qui vit seul à la "BerciÚre". Il est retrouvé mort assassiné. Mais son testament ne va pas plaire à tout le monde...