Hugo Ă©crit Les Contemplations en 1856 alors quâil vit un exil politique. Il vit aussi depuis plusieurs annĂ©es un exil intĂ©rieur qui hante Les Contemplations. ComposĂ©es de deux parties distinctes, « Autrefois » et « Aujourdâhui », Les Contemplations est la premiĂšre Ćuvre poĂ©tique maĂźtresse dâHugo, plus de dix mille signes jetĂ©s Ă la face de la mer et du ciel sur lâĂźle de Jersey. MarquĂ© Ă tout jamais par la mort de sa fille LĂ©opoldine, Hugo annonce dans sa prĂ©face quâon ne peut rĂ©concilier ces deux parties : « un abĂźme les sĂ©pare, le tombeau ». Les plus beaux poĂšmes dâHugo sur la force de la nature, la nostalgie de lâenfance et la fatalitĂ© de la mort se trouvent dans Les Contemplations. Ils sont indĂ©passables. Dans cette Ćuvre en vers, Hugo joue dâune variĂ©tĂ© de rythme et de ton assez incroyable. Classique par moment, romantique, sage parfois, vĂ©nĂ©rant ses maĂźtres Gautier, Le Conte de LâIsle ou Banville, romantique dĂ©chaĂźnĂ© souvent comme dans « RĂ©ponse Ă un acte dâaccusation » â poĂšme que lâon peut considĂ©rer comme la profession de foi romantique dâHugo â partout et tout le temps, Hugo rĂ©invente lâacte de crĂ©ation poĂ©tique. Ce que dit « La bouche dâombre », poĂšme de huit cents vers, nous fait atteindre un degrĂ© supĂ©rieur dans lâordre de la vision poĂ©tique. Le verbe dâHugo se transforme en traitĂ© cosmogo-thĂ©ologico-moral. « Dieu dictait, jâĂ©crivais », constate logiquement Hugo Ă la fin du recueil. Aujourdâhui encore, aprĂšs que Rimbaud, en lisant Les Contemplations, lâa considĂ©rĂ© comme « le premier des voyants », que les surrĂ©alistes lâont intronisĂ© maĂźtre, Hugo continue dâimpressionner par lâenvergure de son gĂ©nie protĂ©iforme.