L’histoire de cet homme est à la fois simple et terrible. Il n’a eu que deux périodes dans sa vie, mais deux périodes de misère. Soldat de l’empire, dans les plus terribles guerres, il ne s’est pas amusé à être un héros ; mais, en revanche, il a été prisonnier deux fois : la première fois, sur les pontons espagnols, dans l’île de Cabréra ; la seconde fois, en Russie, pendant la mémorable campagne de 1812. Ainsi, encore tout brûlé sous le sable, il a été enseveli sous la glace. Le récit de cet homme est le plus atroce et le plus intéressant cauchemar qui se puisse entendre ; il n’y a pas de romancier qui se soit élevé à la hauteur de tant de misère. Pendant tout le cours du récit, le soleil et la glace, la soif brûlante, la faim qui dévore, les coups de sabre et les coups de bâton, la cohabitation forcée avec des cadavres, les haillons et les membres gelés, l’hôpital pour tout repos, la captivité pour toute consolation, un morceau de cheval cru pour tout repas, la mort pour tout espoir, le spectacle d’une armée entière, et qu’elle armée ! ensevelie sous le sable et sous la glace, voilà ce livre ». Initialement publié en 1833, voici une nouvelle édition, entièrement recomposée de la suite des aventures quasi inconcevable de ce coriace marin de la Garde Impériale qui finira pourtant quasi centenaire !
Henri Ducor (1789-1877) s’engage comme marin dès 1801, est fait prisonnier à Cadix en 1808, déporté à Cabrera en 1809, il s’évade en 1811 ; il entre alors dans le corps des marins de la Garde Impériale et fait la campagne de Russie de 1812. Prisonnier des Russes, puis des Autrichiens, il ne sera libéré qu’en 1814, reprendra encore les armes en 1815 jusqu’à la bataille de Waterloo.