Edouard Corbière (1793-1875)
"Les observateurs qui ont vu d’un œil curieux s’éloigner du port un navire emportant au loin sur les mers un équipage sortant du cabaret, n’ont pas manqué de raconter, et les adieux du matelot à ses amis, et les baisers effusifs dont il couvre les filles en pleurs qu’il va quitter peut-être pour toujours. Sans doute il y a quelque chose d’étrange dans ce spectacle du capitaine impatient, qui gourmande l’hésitation de ces marins, qui semblent se rattacher à la terre, en prodiguant toutes les marques possibles d’affection aux objets qu’ils abandonnent sur ce rivage qui va disparaître à leurs yeux pénétrés de regret. Mais ce n’est pas au moment du départ que le matelot est l’être le plus intéressant à observer : c’est quand il se sent une fois au large que la plus singulière des métamorphoses qu’il peut subir s’opère dans son individu pour ainsi dire multiple.
La première chose qu’il fait lorsqu’il a bien pris son parti et qu’il a dit adieu à la côte chérie qui va s’évanouir à l’horizon, c’est de changer son costume ; il descend dans le logement de l’équipage, et il ne remontera sur le pont qu’après avoir fait subir à sa toilette le changement le plus complet."
11 contes maritimes :
"Les premiers jours de mer" - "Le Roi-Matelot" - "Petite guerre en mer" - "Le Baron-Rouge" - "Un négrier" - "Folie de bord" - "Le naufragé de la Barboude" - "Un contre-amiral en bonne fortune" - " Petit combat" - "Le novice des aspirants de marine" - "Le forban mon ami".
Edouard Corbière est considéré comme l'un des pères de la littérature maritime.