E. T. A. Hoffmann (1776-1822)
"Dans la nuit de l’équinoxe d’été de 1820, le secrétaire privé de la chancellerie, Tusmann, revenait d’un café de Berlin où il avait coutume de passer chaque soir une couple d’heures, et regagnait sa demeure située dans la rue de Spandau. Le secrétaire privé était fort ponctuel et fort exact dans tout ce qu’il faisait. Il s’était accoutumé à ôter son habit et ses bottes juste au moment où les horloges des tours des églises de Marie et de Nicolas sonnaient onze heures, de sorte qu’au dernier retentissement de la cloche, il tirait son bonnet de nuit sur ses oreilles.
Pour ne point déroger à cette habitude, car onze heures commençaient déjà à sonner, il avait accéléré sa marche, et se disposait à déboucher de la rue de Spandau dans la rue Royale, lorsqu’un bruit singulier qui se fit entendre tout près de lui le rendit immobile.
Sous la tour de la vieille maison de ville, il aperçut, à la lueur d’un réverbère, une longue et maigre figure, couverte d’un manteau sombre ; elle frappait avec violence à la porte d’un magasin de bijoux en fer, se reculait de temps en temps, soupirait et levait les yeux vers les fenêtres écroulées de la vieille tour.
– Mon digne Monsieur, dit avec bonhomie à cet homme le secrétaire privé, vous vous trompez, aucune âme n’habite là haut dans cette tour ; et si j’en excepte un petit nombre de rats et de souris et une couple de hiboux, on n’y trouve même aucune créature humaine.
Si vous avez désir d’acheter quelques anneaux de fer au marchand Warnatz à qui appartient cette boutique, il faudra vous donner la peine de revenir demain quand le soleil sera levé. "
Recueil de 7 contes :
"Le choix d'une fiancée" - "Le spectre fiancé" - "Mademoiselle de Scudéry" - "Zacharias Werner" - "Maître Martin le tonnelier, et ses apprentis" - "L'église des Jésuites" - "Le cahier de l'élève des Jésuites".