Martin est garde au parc national des Pyrénées. Il travaille notamment au suivi des derniers ours. Mais depuis un an et demi, on n’a plus trouvé la moindre trace de Cannellito, le seul plantigrade avec un peu de sang pyrénéen qui fréquentait encore ces forêts, pas d’empreinte de tout l’hiver, aucun poil sur les centaines d’arbres observés. Martin en est chaque jour plus convaincu : les chasseurs auront eu la peau de l’animal. L’histoire des hommes, n’est-ce pas celle du massacre de la faune sauvage ? Alors, lorsqu’il tombe sur un cliché montrant une jeune femme devant la dépouille d’un lion, arc de chasse en main, il est déterminé à la retrouver et la livrer en pâture à l’opinion publique. Même si d’elle, il ne connaît qu’un pseudonyme sur les réseaux sociaux : Leg Holas. Et rien de ce qui s’est joué, quelques semaines plus tôt, en Afrique.
Entre chasse au fauve et chasse à l’homme, vallée d’Aspe dans les Pyrénées enneigées et désert du Kaokoland en Namibie, Colin Niel tisse une intrigue cruelle où aucun chasseur n’est jamais sûr de sa proie.
Quatre comédiens portent ces histoires croisées avec brio.
Prix Choix des libraires du Livre de Poche 2022 dans la catégorie Polar .
Prix Libraires en Seine 2021, Prix Libr'à nous 2021, Prix du Livre pyrénéen 2021 et Prix Livres à vous 2021.
Aude
04/08/2024
« Entre fauves » est un roman (ici la version Audiolib) qui confronte les points de vue et offre divers axes de réflexion sur le thème de la chasse. Des Pyrénées où Martin, garde d’un parc national, cherche à retrouver le seul ours mâle encore présent avant la réintroduction de femelles, aux confins de l’Afrique où la chasse des « big five » se monnaie à prix d’or, Colin Niel prend le parti de construire un roman choral dans lequel chaque voix a sa place, et où chacun défend « son bifteck ». Ce récit, loin d’être manichéen, amène le lecteur, tout en douceur et sans le brutaliser à revoir ses positions en se mettant à la place de l’Autre, qu’il soit chasseur, garde forestier, membre d’une tribu africaine, ou même lion ou ours. La version audio est tout à fait fascinante. Quatre lecteurs pour incarner les quatre principaux protagonistes : Martin, le défenseur de la cause animale, Apolline, la chasseuse à l’arc, Charles le lion pisté, et Kondjima issu du peuple des Himbas. C’est la première fois que je fais face à autant de lecteurs dans un livre audio, et je dois dire que c’est une réussite totale. Ces quatre personnages se répondent, chacun se raconte et raconte son histoire jusqu’au dénouement final, attendu par l’auditeur. J’avais lu ce roman en version papier à sa sortie et j’avais déjà été conquise. La version audio rajoute une dimension, une tension supplémentaire parce que les voix donnent littéralement vie aux personnages de papier. Martin, par exemple, m’a surprise par sa détermination. Fervent défenseur de la cause animale, garde dans un parc national, il est aussi un membre très actif d’un groupe Facebook dont la mission est de révéler au grand jour les noms de ceux qui chassent des animaux protégés en posant près de leurs cadavres. Sur les réseaux sociaux surgit une photo d’une jeune femme. Près d’elle, le cadavre d’un lion. Qui est-elle ? L’obsession de Martin à trouver son identité n’aura de cesse que de la clouer au pilori sur les réseaux sociaux. Quoi de plus jouissif que de livrer ces meurtriers sans âme à la vindicte populaire ? « Franchement, moi, j’ai honte de faire partie de l’espèce humaine. Ce que j’aurais voulu, c’est être un oiseau de proie, les ailes démesurées, voler au-dessus de ce monde avec l’indifférence des puissants. Un poisson des abysses, quelque chose de monstrueux, inconnu des plus profonds chaluts. Un insecte à peine visible. Tout sauf homo sapiens. Tout sauf ce primate au cerveau hypertrophié dont l’évolution aurait mieux fait de se passer. Tout sauf le responsable de la sixième crise d’extinction qu’aura connue cette pauvre planète. Parce que l’histoire des hommes, c’est surtout ça. » Apolline m’a touché par sa douceur et sa ténacité malgré ses activités. Issue d’un milieu aisé, tireuse à l’arc, elle reçoit pour ses 20 ans, un billet d’avion. Destination l’Afrique afin de tuer son premier lion. La version audio m’a apporté un éclairage nouveau sur cette jeune femme, prise dans un carcan familial, entre une mère décédée dont le rêve était de tuer un lion, et un père blagueur, exubérant, qui projette en elle toutes ses espérances. Un lion devenu un problème pour la population, un lion qui tue le bétail et les maigres possessions des Himbas, peuple de Namibie Kondjima, né parmi les Himbas m’a donné une idée claire des enjeux de son peuple face aux animaux sauvages qui tuent leurs maigres possessions et les règles gouvernementales de les protéger. S’il est lui aussi à la recherche du lion, c’est pour prouver sa bravoure à la femme qu’il aime et débarrasser le village d’un prédateur devenu très gênant. Charles le lion, prédateur traqué, possède lui aussi une voix importante et originale dans le récit. Être dans sa tête, dans ses pensées, conscient du danger qui le piste était une idée brillante. La voix qui lui est donnée en audio fait naître une immense empathie à cet instant crucial de son existence. « L’heure était venue de faire face aux hommes », et l’auditeur partage ses émotions. Si les personnages sont très différents, leurs aspérités illuminent le paysage blanc des montagnes ou la terre rouge et les herbes desséchées africaines. Colin Niel n’a pas son pareil pour nous balader des Pyrénées majestueuses au bush africain, de l’un à l’autre, décrivant de main de maître les atmosphères, les paysages, les rites qu’ils soient africains ou relatifs à la chasse. Les intermèdes musicaux audio ajoutent une réelle tension dans le récit et immergent totalement l’auditeur : identifier sa proie, l’approcher, la traquer, la mettre à mort. « Entre fauves », titre bien choisi pour décrire l’atmosphère du roman… Les fauves ne sont pas seulement les félins, ils représentent surtout les chasseurs, ceux qui chassent le fauve, mais aussi ceux qui chassent les chasseurs de fauves. Qui est le prédateur ? Qui est la proie ? Peut-on être chasseur et être chassé ? La puissance du roman, dans sa construction, dans l’écriture de Colin Niel réside dans cette inversion, oh combien intelligente, précise et subtile, des forces en présence. Le final est magistral et terriblement déstabilisant en raison de ce qu’il implique pour la psychologie de l’un des personnages. La lente progression alternative dans les pensées des deux personnages principaux conduit le lecteur à s’interroger sur leurs vies, leurs buts, leurs failles et permet de mesurer à quel point les choses peuvent être différentes de ce qu’elles semblaient être au départ. Colin Niel nous happe, offrant au fil des pages la possibilité d’une île, d’un terrain d’entente, d’une amnistie, laissant présager une direction très claire de la fin du roman. L’auteur est semblable au joueur de flûte d’Hamelin : il vous charme et vous emporte vers un dénouement que vous n’aviez pas anticipé. Faisons un point sur notre humanité : que reste-t-il de beau ? De respectable ? De défendable ? À quoi conduit la haine lorsque nous sommes poussés par un idéal ? Défendre la nature, prôner la nécessité d’une harmonie entre l’homme et la terre peut-elle se faire sans devenir un éco terroriste ? La lutte silencieuse est-elle suffisante ? Ce roman éclaire les consciences et compare les points de vue, intensifie les réflexions sur notre monde actuel. Un autre récit citoyen qui confronte aussi nature et culture, évolution et déclin de notre civilisation. Une nourriture spirituelle indispensable dans un monde où le « mieux » est l’ennemi du « juste ». Notre monde se résume bien à devoir demeurer « Entre fauves ». « Plus que jamais, j’avais honte de faire partie du genre humain. » Une lecture audio poignante, qui décuple nos émotions, nous fait ressentir de l’empathie pour tous les personnages alors qu’ils se combattent, et nous donne la chair de poule. Des lecteurs formidables pour un résultat à la hauteur. Je ne peux que vous recommander de passer un moment avec eux.
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