Fiodor Dostoïevsky (1821-1881)
"L’année passée, le 22 mars au soir, il m’est arrivé quelque chose d’extrêmement singulier. J’avais parcouru la ville toute la journée à la recherche d’un logement. Le mien était humide, j’y avais attrapé une mauvaise toux et j’avais déjà voulu le quitter en automne ; mais la chose avait traîné jusqu’au printemps. J’avais donc cherché toute la journée, sans rien trouver : il me fallait avant tout un logement bien aéré ; il pouvait n’avoir qu’une seule chambre, à la rigueur ; mais elle devait être spacieuse ; en même temps, le loyer devait en être modeste.
J’ai remarqué que dans un logement étroit les idées sont mal à l’aise, et j’ai toujours aimé aller et venir par la chambre en méditant mes nouvelles. Et puisque je parle de mes nouvelles, j’ajouterai que j’ai toujours trouvé plus de charme à les rêver qu’à les écrire. Et pourtant je ne suis pas paresseux. D’où cela peut-il bien venir ?
Dès le matin, je m’étais senti indisposé, et, vers le soir, mon état avait encore empiré : j’avais la fièvre, et comme j’avais été tout le jour à courir, j’étais harassé de fatigue en arrivant quelques instants avant le coucher du soleil à la perspective de Vosnessensky.
J’aime le soleil de mars à Pétersbourg, à son coucher surtout, par une belle soirée sereine et par un temps de gel. La rue tout entière, inondée de flots de lumière, s’illumine tout à coup ; les maisons semblent soudain lancer des éclairs, et leurs couleurs gris, jaune, vert sale, perdent en un clin d’œil leur aspect sinistre. Une clarté se fait dans l’âme, un frisson court dans les veines, et vous vous réveillez en sursaut, comme si quelqu’un vous touchait au coude. Nouveau spectacle, nouvelles idées ! Oh ! puissance merveilleuse d’un rayon de soleil sur l’âme humaine !"
Ivan Petrovitch, le narrateur, est amoureux de Natacha, avec laquelle il a été élevé. Mais Natacha est amoureuse d'Aliocha, le fils du prince Valkovski, et s'enfuit avec lui. Ivan tente d'arranger les choses car les pères des deux amoureux sont en procès...