Nous venons de traverser de cruelles épreuves ; nous avons subi à Paris deux sièges, l’un de la part de nos ennemis, l’autre de la part de nos libérateurs. Une poignée d’hommes audacieux a profité de la présence de l’étranger et des circonstances que la guerre avait créées pour s’emparer du pouvoir dans la capitale ; sous le prétexte de défendre ses libertés municipales, ils ont exercé la plus insupportable et la plus odieuse tyrannie ; ils ont fanatisé la partie la plus pauvre de la population et l’ont opposée aux soldats de l’ordre et du droit. Après un règne éphémère et une résistance acharnée, ils ont succombé sans laisser d’autre trace de leur passage que des ressentiments, des dévastations et des ruines. Tout cela s’était déjà présenté à Paris à la fin du XVIe siècle. Il y eut alors, comme il y a trois mois, une commune insurrectionnelle, où l’autorité municipale improvisée usurpa le gouvernement, dirigea les opérations de la défense, et voulut contraindre tous les habitants à prendre les armes contre leurs concitoyens du dehors. Les mêmes désordres et les mêmes fureurs se produisirent ; aux souffrances du siège à cette époque s’ajouta, comme cet hiver, le fléau de la démagogie. Il n’est ni sans intérêt ni sans utilité de mettre en lumière ces ressemblances : elles provoqueront de salutaires réflexions, et pourront éclairer la marche ultérieure des choses. En nous montrant que nos ancêtres avaient déjà passé par des calamités analogues à celles qui viennent de fondre sur nous, l’histoire du Paris de la ligue fortifiera notre espérance de voir bientôt nos plaies se fermer ; si elle ne calme pas nos appréhensions et nos regrets, elle nous inspirera du moins la résignation nécessaire pour supporter notre mauvaise fortune.