Maurice Barrès (1862-1923)
"Il naquit dans l’Est de la France et dans un milieu où, il n’y avait rien de méridional. Quand il eut dix ans, on le mit au collège où, dans une grande misère physique (sommeils écourtés, froids et humidité des récréations, nourriture grossière), il dut vivre parmi les enfants de son âge, fâcheux milieu, car à dix ans ce sont précisément les futurs goujats qui dominent par leur hâblerie et leur vigueur, mais celui qui sera plus tard un galant homme ou un esprit fin, à dix ans est encore dans les brouillards.
Il fut initié au rudiment par M. F., le professeur le plus fort qu’on pût voir ; d’une seule main ce pédagogue arrachait l’oreille d’un élève qui de plus en devenait ridicule.
Comme son tour d’esprit portait notre sujet à généraliser, il commença dès lors à ne penser des hommes rien de bon.
Étant mal nourri, par manque de globules sanguins il devint timide, et son agitation faite d’orgueil et de malaise déplut.
Bientôt, pour relever ses humiliations quotidiennes, il eut des lectures qui lui donnèrent sur les choses des certitudes hâtives et pleines d’âcreté.
Le roi Rhamsès II est blâmé par les conservateurs du Louvre, ayant usurpé un sphinx sur ses prédécesseurs. Le jeune homme de qui je parle inscrivit de même son nom sur des troupes de sphinx qui légitimement appartenaient à des littérateurs français. Il s’enorgueillit d’étranges douleurs qu’il n’avait pas inventées."
Suite de 3 romans : "Sous l'oeil des Barbares" - "Un homme libre" - "Le jardin de Bérénice".
La seule chose, depuis tout temps, qui importe à Philippe, le narrateur, est de fortifier son propre Moi.