En 1945, Réal Benoit, trente ans, débarque sur la scène littéraire avec Nézon, un bien étrange recueil. Du jamais vu. Lyriques, caustiques, loufoques, profonds, modernes, quatorze contes consacrent cet écrivain d’avant-garde et ouvert sur le monde.
Jusqu’à sa mort, en 1972, au fil des épreuves et des joies de son existence aussi dure que palpitante, que Marie Desjardins décrit dans les détails, Réal Benoit tracera son chemin dans la culture du Québec. Personne ne lui ressemble. Journaliste, écrivain, il signe un roman, une biographie, des critiques, des récits, des nouvelles et les premières dramatiques diffusées à la télévision. Ses sujets sont à la fois confidentiels et d’une universalité flamboyante. Il obtient des prix, déclenche admiration et polémique. Cinéaste et producteur, il tourne un film plein d’esprit et d’invention sur un héros populaire du Québec, et de nombreux documentaires sur l’architecture et la société. Sa facture, effervescente et originale, est chaque fois reconnaissable.
Amateur d’art, surtout moderne, il rencontre Pellan, Chagall, Lemieux, fréquente Mousseau et Daudelin. Passionné de cinéma, il tient une rubrique dans le Devoir, dirige le service des émissions sur film à Radio-Canada pendant douze ans, de même qu’un ciné-club privé, projetant en primeur des films de la Nouvelle Vague, et soutenant de jeunes cinéastes doués tels que Jutra, Brault ou Labrecque.
Réal Benoit était un esprit brillant, rêvant du meilleur pour sa société et se battant en ce sens. Ce chef de file de l’avènement de la modernité culturelle au Québec est tombé dans l’oubli. Le chaînon manquant de l’avant-garde.
Ce portrait lui rend vie.