Diderot fut l'un des esprits les plus incisifs de son siècle. En témoignent les oeuvres ici rassemblées, qui permettent de saisir trois moments décisifs de sa pensée. Parce que le philosophe y prend à partie le christianisme et, au-delà, toutes les religions révélées, en se demandant si la foi et la raison peuvent être compatibles, les Pensées philosophiques (1746) furent condamnées au feu par le parlement de Paris. Quant au célèbre Supplément au voyage de Bougainville, dialogue qui peut être lu tout à la fois comme une apologie du bon sauvage, un pamphlet anticlérical et une réflexion sur le bonheur, il interroge avec humour et hardiesse les valeurs qui fondent la civilisation européenne. Diderot imagine une société polynésienne en paix avec la nature : les Tahitiennes seraient fières de montrer leur gorge, d'exciter les désirs, de provoquer les hommes à l'amour. Elles s'offriraient sans fausse pudeur aux marins européens qui débarquent d'un long périple. Mais l'arrivée des Européens avec leurs maladies physiques et surtout morales ne signifie-t-elle pas la fin de cette vie heureuse ?