Nous sommes tous des faits divers. Tous. Victimes ou coupables de ces gestes anodins sur lesquels le destin bascule. De ce hasard de grain de sable qui nous ensevelit ou nous ressuscite.
À travers ces quatre nouvelles, portées à la scène par Michel Poncelet et Bernard Francq, voici quatre portraits qui nous ressemblent peut-être : un enfant qui ne vit qu’au son de Bach ; un collectionneur prêt au pire pour assouvir sa vengeance ; un inspecteur à la retraite confronté au meurtrier parfait ; un messie clochard qui visite un cercle juif laïc.
Des faits divers ? Peut-être. De ceux dont on tisse l’humanité.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Professeur de littérature contemporaine à l'Université catholique de Louvain (UCL) et d'histoire contemporaine à l'IHECS, il a écrit de nombreux essais, romans, nouvelles ou pièces de théâtre. Il est aussi critique littéraire et chroniqueur ; à ce titre, il a collaboré avec Le Soir, Victoire (supplément hebdomadaire du Soir) et Mint en radio. Depuis 2014, il collabore avec La Première, en tant que chroniqueur au sein de l'équipe de l'émission CQFD. Chez Ker, il est l'auteur de nombreuses pièces de théâtre, d'un essai ainsi que de plusieurs romans, comme Raphael et Laetitia et Les Diaboliques.
EXTRAIT
Antonio Araldi
L’histoire dont je voudrais vous rendre compte aujourd’hui, inconnue ou presque du grand public, a bouleversé cet univers clos et singulier à plus d’un titre des collectionneurs de voitures. Mais cet émoi ne s’attache qu’à l’accessoire, qu’à l’insupportable dénouement, aux yeux de ce cénacle, d’un drame longuement noué, à travers une destinée où un homme amoureux sacrifia beaucoup à une femme exigeante. Pour ceux qui n’appartiennent pas à ce monde et qui ont eu vent de cette affaire, il ne s’agit que d’une anecdote, une excentricité à ajouter à la panoplie déjà longue de ces amateurs tous plus ou moins fous.
Cette histoire est, en apparence et en vérité, d’une confondante banalité, nonobstant les sommes énormes qui furent nécessaires à son accomplissement – mais cela non plus n’est guère original, quand bien même on considérerait l’argent comme une cause, et non comme un aboutissement. Femme capricieuse, homme richissime, voiture monstrueuse. Sexe, argent, mort. Femme-machine, conduite-virilité. À telle enseigne, on réclamerait le silence, l’abandon d’un récit épuisant de conformisme, mille fois vu, entendu ou lu. On ne tolère pas que les extrêmes soient aussi banals que nos vies quotidiennes, et l’on interdit aux autres ce que l’on s’octroie avec complaisance.
Et c’est bien pour cela que je raconterai l’histoire d’Antonio Araldi. Tout dépend du regard que l’on pose sur les gens, sur les choses, sur les destinées. Le fruit défendu : une vulgaire pomme, sans cesse et par tous dévorée, repoussant partout et sans cesse ; ou un goût délicieux, savouré en silence. Que tout ait été vécu n’atténuera jamais ni la joie ni la souffrance d’un être, pas plus que cela n’empêchera des enfants de naître, de grandir, de mourir. Nous sommes tous des faits divers.