Battle Royale de Kinji Fukasaku est l’un des films les plus importants du paysage cinématographique japonais. Sorti en l’an 2000, au carrefour des millénaires, il est la synthèse des traumatismes d’un xxe siècle marqué par deux guerres mondiales, des révoltes étudiantes en France, aux États-Unis, mais aussi au Japon, ainsi que par la médiatisation de nombreux conflits, de la guerre du Viêt Nam à celle du Golfe. Plus encore, il préfigure en même temps les obsessions à venir du xxie siècle : le siècle de la téléréalité qui transforme l’humain en chair à spectacle, la violence réelle en divertissement ; le siècle qui voit s’affronter, à l’époque des médias tout-puissants, des générations qui ne se comprennent plus : l’ancienne garde d’un côté, qui fonde sa légitimité et son autorité sur ce qu’elle a construit, et de l’autre la jeunesse qui, notamment à travers les réseaux sociaux, ne demande qu’à corriger les erreurs du passé, quitte à en faire table rase, pour assurer un avenir meilleur aux prochaines générations. En opposant le monde des enfants à celui des adultes à travers le grand jeu de massacre du Battle Royale 1, le romancier Kôshun Takami a poussé un cri de désespoir à moitié dissimulé dans un enrobage pop et spectaculaire. Le roman originel avait tout pour séduire le puissant studio Toei et devenir l’une des pierres angulaires filmographiques de l’un de ses réalisateurs les plus prolifiques et adulés.