L'itinéraire atypique d'un Français expatrié en Chine.
En sortant de Paris au niveau de la porte de Bagnolet, si vous continuez tout droit direction plein est, au bout d’un certain temps, vous devriez atteindre Shanghai. Il y a des moyens plus rapides d’y parvenir, mais on n’a pas toujours le choix : durant quatre-vingt-dix jours exactement, aucun avion n’a pu atterrir dans la ville la plus puissante d’Asie. Le monde a tremblé, impuissant face à l’empire du Milieu qui se délitait sous l’impulsion d’une armée révolutionnaire très remontée conduite par un Chinois blond qui parle le français avec l’accent belge. À l’époque, j’avais suivi ma copine en poste à Shanghai. C’est pour ça que je suis bien placé pour raconter. Aussi parce que c’est moi qui ai déclenché cette révolution. Sans faire exprès.
Victor Guilbert signe un roman révolutionnaire à l'humour absurde et incisif !
EXTRAIT
Une amie de ma copine habite à Shanghai. Elle vient nous accueillir à l’aéroport. Elle nous demande si nous avons fait bon voyage et, comme tout le monde, nous lui racontons les films regardés dans l’avion. Elle va prendre un verre avec quelques amis le soir même et nous propose de l’accompagner. J’aurais bien aimé profiter de l’ivresse de la solitude dans une ville inconnue, mais elle veut nous faire plaisir, alors nous acceptons. J’aurai tout le loisir de me sentir seul les jours qui viennent.
Notre appartement est dans une tour gigantesque au cœur d’une résidence dont on ne situe pas clairement les limites. Je tombe immédiatement sous le charme de cet endroit à des années-lumière de toute forme de charme. C’est le cœur même de l’urbanisation et du gigantisme. Nous habitons un vingtième étage avec un balcon, trois chambres, deux salles de bain, un séjour sans fin, une cuisine de restaurant et même une buanderie. Je ne crois pas avoir déjà vu une buanderie en vrai. C’est meublé en chinois avec des armoires en bois rouge et il y a une télévision à l’écran plus grand que dans certaines salles de cinéma du Quartier latin. Nous sommes comblés.
Nous prenons un bain parce que ça se fête et que l’eau n’est pas si jaune. J’admire la vue sans fin depuis notre balcon. Il fait nuit maintenant. Je m’imprègne. Le bruit, les odeurs, la vie grouillante. Il y a quelque part là-dedans des gens que je vais rencontrer, qui vont peut-être me plaire, peut-être me désespérer. Il y a sûrement, au milieu de tout ça, quelqu’un qui pense que la vacuité est une nécessité et qui aime boire des demis.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Victor Guilbert, jeune auteur dramatique (L'histoire probablement vraie d'un village qui n'exista probablement pas et L’homme à la peau violette et autres histoires) livre ici une fable révolutionnaire, dans laquelle il s’en prend avec jubilation aux expatriés en Chine, aux diplomates, et d’abord à lui-même et ses espoirs naïfs de création culturelle à Shanghaï.