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Jean-Auguste-Dominique Ingres

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Jean-Auguste-Dominique Ingres (Montauban, 1780 – Paris, 1867)

Ingres sembla d'abord destinĂ© Ă  reprendre le flambeau de son maĂźtre David, dans l'art Ă  la fois du portrait et de la peinture historique. Il gagna le Prix de Rome en 1801, oĂč il ne se rendit

que 6 ans plus tard Ă  cause de la situation Ă©conomique française. Mais Ingres s'Ă©mancipa trĂšs vite. Il n'avait que 25 ans lorsqu'il peignit les portraits de la famille RiviĂšre. Ils rĂ©vĂšlent un talent original et un goĂ»t pour la composition non dĂ©pourvu d'un certain maniĂ©risme, mais celui-ci est plein de charme, et le raffinement des lignes ondulantes est aussi Ă©loignĂ© que possible du rĂ©alisme simple et lĂ©gĂšrement brutal qui fait la force des portraits de David. Ses rivaux ne se laissĂšrent pas abuser : ils tournĂšrent en dĂ©rision son style archaĂŻque et singulier en le surnommant «Le Gothique » ou «Le Chinois ». Cependant, durant le Salon de 1824 qui suivit son retour d'Italie, Ingres fut promu chef de file du style acadĂ©mique, par opposition au nouveau courant romantique menĂ© par Delacroix. En 1834, il fut nommĂ© directeur de l'Ecole française de Rome, oĂč il demeura 7 ans. Puis, Ă  peine rentrĂ© au pays, il fut Ă  nouveau acclamĂ© comme le maĂźtre des valeurs traditionnelles, et s'en alla finir ses jours dans sa ville natale du Sud de la France. La plus grande contradiction dans la carriĂšre d'Ingres est son titre de

gardien des rÚgles et des préceptes classiques, alors qu'une certaine excentricité est bien perceptible dans les plus belles de ses oeuvres.

Un cuistre, observant le dos de la Grande Odalisque et diverses exagĂ©rations de forme dans Le Bain turc, fit remarquer les indignes erreurs commises par le dessinateur. Mais ne sont-elles pas simplement le moyen par lequel un grand artiste, dotĂ© d'une sensibilitĂ© extrĂȘme, interprĂšte sa passion pour le corps magnifique de la femme ? Lorsqu'il voulut rĂ©unir un grand nombre de personnages dans une oeuvre monumentale telle que L'ApothĂ©ose d'HomĂšre, Ingres n'atteignit jamais l'aisance, la souplesse, la vie ni l'unitĂ© que nous admirons dans les magnifiques compositions de Delacroix. Il procĂšde par accumulation et juxtaposition. Pourtant, il sait faire preuve d'une grande assurance, d'un goĂ»t original et d'une imagination fertile lorsqu'il s'agit de tableaux n'impliquant que deux ou trois personnages, et mieux encore dans ceux oĂč il glorifie un corps fĂ©minin, debout ou allongĂ©, qui fut l'enchantement et le doux tourment de toute sa vie.