Dans le sillon des RĂ©volutions arabes
La premiĂšre dĂ©rive des RĂ©volutions arabes provenait de la « thĂ©ologie politique », celle des partis islamistes, de l'Internationale des FrĂšres musulmans, tantĂŽt jouant, tantĂŽt pas, le jeu dĂ©mocratique, tantĂŽt immodĂ©rĂ©es, tantĂŽt modĂ©rĂ©es. Les RĂ©volutions arabes ont ensuite, deuxiĂšme dĂ©rive, donnĂ© prĂ©texte aux groupes terroristes islamistes, aussi divers que redoutables, et au premier rang desquels se trouve Daech, d'intervenir aussitĂŽt dans la rĂ©gion. C'est le temps des « Assassins ». Les rĂ©volutions sont tragiques. Le jour oĂč les peuples arabes ont eu l'occasion historique de sortir de leur torpeur, ils sont devenus menacĂ©s par une autre forme de torpeur. Ils ont chassĂ© le dictateur civil ou militaire, ils n'ont pu Ă©viter le tyran thĂ©ocrate, ou le mercenaire sanguinaire de la religion.
Un essai politique qui fait la lumiÚre sur l'histoire arabo-musulmane récente.
EXTRAIT
DĂ©fiant les pesanteurs de lâhistoire arabo-musulmane et les interprĂ©tations culturalistes, les sociĂ©tĂ©s arabes ont enfin dĂ©cidĂ©, presque par hasard, dâabattre leurs dictateurs indĂ©trĂŽnables et leurs rĂ©gimes irrĂ©formables, sous lâeffet de la soudaine et audacieuse rĂ©volution tunisienne. Les hommes ont refusĂ© de rester dans la barbarie et le despotisme. Ce nâest pas tout Ă fait, comme le croyait Hegel, la Raison qui, en conceptualisant les Ă©vĂšnements de la RĂ©volution, les dĂ©chainements, les passions et les aveuglements des hommes, a transformĂ© lâHistoire arabe comme moment de rĂ©alisation de la libertĂ©. Câest plutĂŽt la libertĂ© initiale des hommes et des peuples, et leurs passions, qui ont tentĂ© de raisonner lâHistoire, la leur. La RĂ©volution arabe est un impensĂ©. Elle a Ă©tĂ© dâabord LibertĂ©, spontanĂ©itĂ©, puis Raison. Pas lâinverse. Et encore, les RĂ©volutions arabes tardent Ă retrouver leur Raison dans lâinfernale transition. Lâaffront de la dĂ©raison est aussi puissant, aussi vivace. RĂ©volution et contre-rĂ©volution, progrĂšs et passĂ©isme, compromis et violence supportent tous ensemble le « processus rĂ©volutionnaire », que les mĂ©dias occidentaux ont dĂ©nommĂ© le « printemps arabe ».
Ă PROPOS DE L'AUTEUR
Hatem Mârad est professeur agreÌgeÌ de science politique aÌ la FaculteÌ des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis. Il est PreÌsident-fondateur de lâAssociation Tunisienne dâEtudes Politiques, et ancien membre du ComiteÌ ExeÌcutif de lâInternational Political Science Association (IPSA). Il est lâauteur, entre autres, de LibeÌralisme et liberteÌ dans le monde arabo-musulman (Les Cygnes, Paris, 2011) ; Le deÌficit deÌmocratique sous Bourguiba et Ben Ali (Nirvana,2015) ; LibeÌralisme et antilibeÌralisme dans la penseÌe politique (Les Cygnes, 2016) ; Tunisie, de la reÌvolution aÌ la constitution (Nirvana, 2014); De la Constitution aÌ lâaccord de Carthage (Nirvana, 2016). Il tient une chronique hebdomadaire au journal numeÌrique Le Courrier de lâAtlas.