Il y a encore au fond de nos provinces de France un peu de vieille et bonne noblesse qui prend bravement son parti sur les vicissitudes politiques, là par générosité, ici par stoïcisme, ailleurs par apathie. Je sais d'anciens seigneurs qui portent des sabots, et boivent leur piquette sans se faire prier. Ils ne font plus ombrage à personne; et si le présent n'est pas brillant pour eux, du moins n'ont-ils rien à craindre de l'avenir.
Il faut reconnaĂźtre que parmi ces gens-lĂ on rencontre parfois des caractĂšres solidement trempĂ©s et vraiment faits pour traverser les temps d'orages. Plus d'un qui se serait dĂ©battu en vain contre sa nature Ă©paisse, s'il eĂ»t succĂ©dĂ© paisiblement Ă ses ancĂȘtres, s'est fort bien trouvĂ© de venir au monde avec la force physique et l'insouciance d'un rustre. Tel Ă©tait le marquis de Morand. Il sortait d'une riche et puissante lignĂ©e, et pourtant s'estimait heureux et fier de possĂ©der un petit vieux castel et un domaine d'environ deux cent mille francs.