Octave Mirbeau (1848-1917)
"Il y a quelques années, – exactement neuf années, un mois et cinq jours, – la veille de Pâques, au matin, Vincent Péqueux, dit La Queue, qui fait le service des messageries entre la gare de Cortoise et le village de Ponteilles-en-Barcis, où j’habitais alors, me livra, venant de Londres, une boîte. De sapin grossièrement barbouillé de noir, son couvercle percé de deux ouvertures grillagées, cette boîte avait un aspect funèbre. Volontiers, on l’eût prise pour un menu cercueil d’enfant, ou pour un capot défraîchi d’automobile, ou encore pour un de ces consternants emballages dans lesquels les horticulteurs japonais expédient leurs pivoines en Europe.
Pendant que j’examinais avec méfiance ce curieux objet, Vincent Péqueux, dit La Queue, me présenta une feuille et une sorte de registre ouvert.
– Tenez !... Signez là..., fit-il... Le port est payé... tout est payé... Moi, avec votre permission, je vais dire deux mots à la cuisinière... hein ?...
Il me laissa ses paperasses. Bien que la journée commençât à peine, il était déjà très gai... pas tout à fait ivre, mais en bonne voie de le devenir.
– Oh ! se rappela-t-il soudain... J’ai encore pour vous là-bas... à la gare, des poules... Ma foi oui !... Trois forts paniers, vous savez... Et pas de place sous la bâche... Ma foi, non !... Je vous les apporterai ce soir, ou demain... Ah ! sacristi, pas demain, c’est Pâques... Enfin, un de ces jours... J’ai recommandé au chef des bagages de leur donner à boire et à manger... Un bon garçon... Je lui offrirai, sur votre compte, un petit verre pour la peine, pas vrai ?... Ne vous inquiétez pas..."
Octave Mirbeau, le narrateur, reçoit un étrange colis... un chiot ! Un chiot... oui ! mais un dingo originaire d'Australie... une race de chiens sauvages, véritables prédateurs...
Autofiction entre philosophie et humour avec une dose de cynisme.