L'«Homme du peuple» est un ouvrier de Saverne, Jean-Pierre Clavel, orphelin élevé par une brave marchande des quatre saisons, la mère Balais, pauvre mais généreuse, qui a fait de lui un bon artisan et l'a envoyé à Paris pour se perfectionner dans son état de menuisier. Il est embauché dans l'atelier de menuiserie Braconneau dont le principal ouvrier, le père Perrignon, lui fait petit à petit partager ses idées révolutionnaires. Notre héros assiste aux débuts de la Révolution de 1848 et finit par y prendre une petite part en combattant sur une barricade. Mais, plus qu'un acteur, il est pour nous un témoin de première main, relatant les seuls événements qu'il a pu voir. C'est cette description, sur le vif, au «ras des pâquerettes», que ce soit de la vie à Saverne, de la découverte des vieux quartiers de Paris, où d'un petit bout de la «grande histoire» en train de se faire, qui fait, comme toujours chez Erckmann-Chatrian, tout le charme de ce récit. Extrait : Nous étions plus de mille, sans parler de la foule qui nous suivait. Ces hommes, en se mettant à deux pas l'un de l'autre, n'auraient pu barrer le pont. Je dois le savoir, puisque j'étais dans les trente ou quarante premiers. Le sergent ayant dit à ses hommes, qui venaient l'un après l'autre, tout essoufflés, de mettre la baïonnette au bout du fusil, Emmanuel lui cria en alsacien : « Camarade, pas de mauvaise plaisanterie ! » Et comme, malgré sa colère, on passait à droite et à gauche, il replia son poste, et tout le monde passa.