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Jeanne

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Le pauvre ĂȘtre disgraciĂ© de la nature, que les enfants du village poursuivaient de leurs quolibets et qu'un paysan venait de prendre sous sa protection, n'Ă©tait autre que l'enfant trouvĂ© par les gendarmes vingt-trois ans auparavant, un soir de pluie, sur la route de Fay-aux-Loges Ă  Pithiviers, en pleine forĂȘt et auprĂšs du carrefour de la Belle-Croix.

L'histoire de ce pauvre ĂȘtre pendant les vingt-trois annĂ©es qui venaient de s'Ă©couler Ă©tait simple et touchante.

Mme Durand avait fait venir une nourrice et avait élevé la pauvre petite.

Elle avait alors une jolie figure, et tant qu'elle demeura enveloppée dans ses langes, on put croire qu'elle serait un jour une jolie fille bien leste et bien découplée.

Elle avait de beaux cheveux bruns qui poussĂšrent trĂšs vite, de grands yeux d'un bleu sombre, presque noir.

Quand elle eut trois ans et qu'elle commença à marcher, on s'aperçut qu'elle boitait.

Un peu plus tard, son épine dorsale offrit une légÚre déviation.

Non seulement la pauvre enfant Ă©tait boiteuse, mais encore elle devenait bossue.

Ce fut un grand chagrin pour Mme Durand qui l'aimait beaucoup.

Puis il arriva ce qui advient quelquefois.

À trente-cinq ans sonnĂ©s, Mme Durand, qui n'avait jamais eu d'enfant, devint mĂšre.

Les joies de la maternité reléguÚrent Jeanne au second plan.

Jusque-lĂ  elle avait Ă©tĂ© l'enfant de la maison, et quelques personnes avaient mĂȘme pensĂ© qu'elle pourrait bien ĂȘtre un jour une riche hĂ©ritiĂšre.

La naissance de la petite demoiselle fit passer Jeanne au rang des servantes.