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La jongleuse

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Rachilde (1860-1953)

"Cette femme laissait traîner sa robe derrière elle comme on peut laisser traîner sa vie quand on est reine. (Il est de ces créatures tellement certaines qu’un tapis se déroulera sous leurs pieds !) Elle quittait la salle flambante, emportant sa nuit, toute drapée d’une ombre épaisse, d’un mystère d’apparence impénétrable montant jusqu’au cou et lui serrant la gorge à l’étrangler. Elle faisait de menus pas, et la queue d’étoffe noire, ample, souple, s’étalant en éventail, roulait une vague autour d’elle, ondulait, formant les mêmes cercles moirés que l’on voit se former dans une eau profonde, le soir, après la chute d’un corps. Elle marchait la tête droite, les yeux baissés, les bras tombés, l’air pas jeune, car elle demeurait grave, et ce qui sortait de son enveloppe funèbre semblait très artificiel : une face de poupée peinte, ornée d’un bonnet de cheveux lisses, brillants, à reflets d’acier, des cheveux se collant aux tempes, trop tordus, trop fins, si fins qu’ils imitaient la soierie, un lambeau de sa robe noire, cette gaine satinée presque métallique. Ainsi coiffée d’une coiffure étroite posée sur de minces oreilles rouges qui paraissaient vraiment saigner sous le poids d’un casque coupant, elle était plus blanche de son fard qu’aucune autre femme fardée.

Elle avait de chaque côté de sa bouche, d’un rose de cuivre, des petites rides fines, parenthèses plaçant ses lèvres en dehors de toutes les lèvres et indiquant qu’on pouvait lire des choses irrégulières entre les lignes de ses traits réguliers."

Début du XXe siècle. Léon, jeune étudiant en médecine aimant faire la fête, jette son dévolu sur une mystérieuse femme, veuve d'un officier de marine : Eliante. Arrivera-t-il à ses fins ?