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La valise

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Le mot de l'auteur:

Mon nom de plume est Lily Rose, j'ai 20 ans. J'Ă©cris depuis toute petite mais j'ai vraiment dĂ©couvert cette passion il y a 5 ans, quand j'ai commencĂ© Ă  Ă©crire mon roman, puis quand j'ai eu la chance de voir une de mes nouvelles publiĂ©e en 2013. Depuis, je ne m'arrĂȘte plus d'inventer des histoires tout en continuant mes Ă©tudes.

Le mot de la lectrice

Je tenais vivement Ă  vous faire dĂ©couvrir cette toute jeune auteure dont j'ai lu plusieurs de ses « histoires », comme elle les nomme... « La valise » avait fait partie d'un concours oĂč Lily Rose avait fait unanimitĂ© du jury sans discussion. Son histoire est restĂ©e gravĂ©e dans ma mĂ©moire pour longtemps...

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La valise

C’était la cohue. Un essaim affolĂ© d’hommes, de femmes et d’enfants bourdonnait dans un tramway bondĂ©. EmportĂ©e par la foule, une jeune femme en larmes serrait contre elle sa valise, jetant des regards effarouchĂ©s Ă  qui osait frĂŽler ce qui lui semblait ĂȘtre un inestimable trĂ©sor. Chacun de ses pas Ă©tait une danse calculĂ©e, une chorĂ©graphie souple luttant contre les secousses et les bousculades. Son ballet la mena sans heurts dans la rue, oĂč l’essaim se sĂ©para en deux. Elle marqua une pause, se penchant irrĂ©sistiblement vers le bon cĂŽtĂ©, mais on la projeta vers la gauche ; par rĂ©flexe, elle serra plus fort son trĂ©sor, gratifiant d’un regard venimeux le jeune policier qui l’avait empoignĂ©e, et qui la poussa dans un fourgon.

Elle batailla longuement pour se hisser dans le vĂ©hicule sans abĂźmer son prĂ©cieux bagage, refusant l’aide de l’agent qui ferma sans pitiĂ© la toile sur ses occupants. La pĂ©nombre les encercla sournoisement, et la jeune femme ramena sa mystĂ©rieuse valise contre sa poitrine. Elle sursauta de douleur : l’épingle l’avait piquĂ©e, lui rappelant son existence. AmĂšre, elle passa une main sur son thorax. Elle la sentait. L’étoile jaune. L’étoile de la honte, l’étoile de la haine ; l’étoile de l’injustice, l’étoile de la terreur. Le fourgon dĂ©marra.

Chaque nid de poule Ă©tait un supplice prĂ©cipitant le dĂ©bit de ses priĂšres murmurĂ©es et renforçant son Ă©treinte sur le grand bagage brun. Le ronronnement du moteur rĂ©sonnait comme un roulement de tambour macabre Ă  ses oreilles. La peur se dressait en elle, se dĂ©roulant de toute sa hauteur, escaladant ses entrailles et affolant son cƓur. La fatalitĂ© pesait sur ses Ă©paules, et la douleur d’une vie perdue Ă©clatait dans tout son ĂȘtre et l’étouffait. Elle n’était plus que cette malle de cuir renfermant tout ce qu’il lui restait au monde, que cette mort prochaine, que ces souffrances Ă  venir. Le fourgon stoppa.

La toile s’ouvrit sur la promesse d’un enfer. Ils descendirent avec rĂ©signation. Tremblante, la respiration saccadĂ©e, elle effectua un effort surhumain pour les suivre, accrochĂ©e Ă  son seul espoir. Blafarde, elle marcha lentement et douloureusement vers le quai, oĂč rĂ©gnait une cohue indescriptible, dont elle profita pour s’éloigner discrĂštement du groupe. Quelques mĂštres plus loin, elle s’arrĂȘta et jeta un regard circulaire, s’assurant que personne ne faisait attention Ă  ses actes. Les yeux fermĂ©s, elle dĂ©posa sa valise, puis commença Ă  s’éloigner, plaquant ses mains sur sa bouche, faisant volte-face en Ă©carquillant les yeux, se reprenant et continuant en sanglotant la marche vers sa fin certaine. ExcĂ©dĂ© par son manĂšge, un soldat la jeta dans un wagon. Elle se retourna, le temps d’un dernier regard, puis la pĂ©nombre s’abattit sur elle. Le train s’ébranla, laissant derriĂšre lui la valise abandonnĂ©e.

*

Les heures et les convois dĂ©filĂšrent longuement avant qu’un jeune soldat ne remarque le bagage esseulĂ©. Il s’en approcha prĂ©cautionneusement, actionna lentement les fermoirs et souleva le couvercle. La bouche grande ouverte, il resta coi, interloquĂ© par sa dĂ©couverte insolite : dans la malle, un bĂ©bĂ© s’agitait, dĂ©rangĂ© par la forte lumiĂšre. Machinalement, le jeune soldat la referma prĂ©cipitamment, le cƓur battant. Comme contrĂŽlĂ©s par une force extĂ©rieure, ses bras semblĂšrent la saisir seuls, et il l’emporta dĂ©licatement, prenant garde Ă  ne pas ĂȘtre aperçu, tout tremblant de ce courage insoupçonnĂ©.