Théa se lève au petit jour afin de surprendre sa mère galopant sur la plage, seule façon d’entretenir, avec celle dont l’amour est trop partagé, un lien secret. Elle court, la nuit, saboter le sémaphore, afin de provoquer le naufrage, sur le récif de corail, du bateau qui doit emmener son amie Isabelle loin de Nouméa, l’arrachant à elle. Dans le milieu colonial de Nouvelle-Calédonie des années 1950, où règnent conformisme et intrigue, une petite fille, fascinée par la sensualité trouble du monde adulte, découvre la sexualité.
"Elle pense au long ruban de sable, à la plage qui reste déserte... Elle entend bientôt les bruits légers, familiers qu’elle guettait, en vain, ces derniers jours. Elle s’approche sans bruit de la fenêtre et aperçoit, entre les jalousies, la silhouette furtive de sa mère. En tenue de cheval, bottes à la main, cheveux dénoués, Marie traverse sans bruit le jardin et se dirige vers la quatre-chevaux qu’elle a pris soin de garer, hier, juste au sommet du chemin. La porte refermée ne claque pas et bientôt la voiture, en roue libre, s’ébranle doucement et disparaît dans le premier tournant de la colline.
Théa peut enfin se recoucher et fermer les yeux."
M.-F. P.
Le Bal du gouverneur, Marie-France Pisier, Grasset, 1984