"Elle peut me regarder, moi qu’elle a choisi, je ne vois pas ses yeux, même si je sais qu’ils sont actifs. Que cherche-t-elle ainsi? Un réconfort viril après une étreinte? Le fruit d’un amour à jamais dénaturé et qui fait toujours mon front plus lourd? Un pendule d’hypnotiseur à hauteur du sexe. Je suis l’enfant et l’homme. Je suis la matière vivante, le giron obscène de sa bouche. La lumière anesthésie mes prunelles qu’elle rend aveugles. Je suis raide comme un mort, mais je sens ma nuque prête à céder, tant ma tête dodeline. Alors, le gouffre de la vie qui sépare la mort appelle le temps qui me traverse à me traverser plus encore, pour s’engloutir en lui, pour la gloire de Lillith." Ce livre propose une compilation de textes superbement écrits où la douleur de vivre et le désœuvrement de l’auteur filtrent avec dignité et poésie. La mélancolie domine les différentes anecdotes ici relatées et teinte de ses couleurs jaunies par le temps les visages et les décors de cet ouvrage. La prose précise et érudite, le style fluide de Jérôme Sas donnent à regretter la disparition de cet écrivain de talent que l’on découvre avec un émerveillement forcément nuancé de tristesse.