Un aĂšde grec sâest Ă©garĂ© sur les bords du lac Ladoga, dans la froide et mystĂ©rieuse forĂȘt russe oĂč, sans rejeter les agrĂ©ments du monde moderne, nymphes et rusalkas sâĂ©battent encore. La fusion des temps et des lieux ajoute au romantisme charnel de poĂšmes Ă la forme ciselĂ©e. Les rythmes traditionnels du sonnet et de la ballade en quatrains français retrouvent sur les bords de ce lac une nouvelle jeunesse, comme soutenus de la harpe des vents et des eaux. PoĂšmes dâamour Ă la fois brĂ»lant et pudique, hymnes Ă la femme, Ă la terre, aux esprits de la nature, textes brillants et primesautiers, Ă©clats de printemps et rires de lumiĂšre : nous sommes ici au seuil dâun univers dâoĂč la peur et le cri ont Ă©tĂ© abolis, oĂč seule la vie jaillit en une jeunesse sans cesse renouvelĂ©e. Serait-ce un avant-goĂ»t du monde transfigurĂ© ? Une transfiguration qui nâatteindrait pas seulement lâhomme mais aussi les arbres et leurs dryades, les eaux et leurs nymphes, et jusquâaux standards du jazz.
Nous retrouverons le cri, la souffrance et les cruautĂ©s de notre propre temps lorsque, quittant le lac et ses sortilĂšges, nous entrerons dans les insomnies qui nâont de suaves que la sensualitĂ© qui les traverse. Pourtant, lâappel vers un nouvel Eden ne cesse de rĂ©sonner en contrepoint de la douleur humaine, quâil sâagisse des angoisses de PĂ©nĂ©lope en son attente ou de la quĂȘte de la femme originelle. Et les dieux antiques sâeffacent dans leur temple nu tandis que se rĂ©vĂšle le Dieu-Homme. Ne nous hĂątons pas de vouloir reconnaĂźtre des Ă©pisodes trop connus. Le regard a changĂ© et tout se renouvelle.
Et le pĂ©riple, parti de GrĂšce vers les forĂȘts du nord profond, sâest inflĂ©chi, revenant vers le sud et lâorient pour atteindre Ă la fin les dĂ©serts, quelque part entre terres arabes et Afrique. Faut-il le rĂ©vĂ©ler ? LâaĂšde nous vient de cette Afrique Ă peine Ă©voquĂ©e et quâil sache Ă©pouser si Ă©troitement lâĂąme et les mythes de nos contrĂ©es nous rend visible et claire notre mĂ©moire. Quâil en soit remerciĂ© !