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Le marquis de Loc-Ronan

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Ernest Capendu (1826-1868)

"Au confluent de l’Isac et de la Vilaine, Ă  quelques lieues au sud de Redon, et Ă  peu de distance de la mer, s’étend, ou pour mieux dire s’étendait une magnifique forĂȘt dont les arbres, pressĂ©s et entrelaçant leurs rameaux, attestaient que la hache dĂ©vastatrice de la spĂ©culation n’avait pas encore entamĂ© leurs hautes futaies, vĂ©ritable bois seigneurial, dont les propriĂ©taires successifs avaient dĂ» se montrer jaloux presque autant de la vĂ©tustĂ© de leurs chĂȘnes, que de celle de leurs parchemins.

Ceux qui connaissent cette partie de la rive droite de la Loire, ce quadrilatĂšre naturel formĂ© par la Loire, la Vilaine, l’Erdre et l’Isac, seront sans doute prĂȘts Ă  nous accuser d’inexactitude en lisant les lignes prĂ©cĂ©dentes. Aujourd’hui, en effet, que la rage du dĂ©boisement s’est par malheur emparĂ©e de la population des exploiteurs territoriaux, c’est Ă  peine si, dans la vieille Armorique, on retrouve quelque reste de ces forĂȘts magnifiques plantĂ©es par les druides, forĂȘts qui portaient en elles quelque chose de si mystĂ©rieux et de si grandement noble, qu’elles ont inspirĂ© les poĂštes du moyen Ăąge, et qu’ils n’ont pas voulu d’autre sĂ©jour pour thĂ©Ăątre des exploits des chevaliers de la Table-Ronde, des amours de la belle GeneviĂšve, et des enchantements du fameux Merlin.

Avant que la RĂ©volution eĂ»t appuyĂ© sur les tĂȘtes son niveau Ă©galitaire, coupant avec le fer de la guillotine celles qui demeuraient trop droites, la Bretagne et la VendĂ©e avaient religieusement conservĂ© leur aspect sauvage. Il Ă©tait rare de pouvoir quitter un chemin creux, bordĂ© d’ajoncs et de genĂȘts, sans donner dans quelque bois Ă©pais et touffu, ou dans quelque marais de longue Ă©tendue."

Suite de "Marcof le Malouin".