Raymond Auzias-Turenne (1861-1940)
"Les dieux ne sont pas morts ; seulement, pour nous punir dâavoir perdu la foi, ils ont quittĂ© la terre, et la triste planĂšte sâen va, se refroidissant toujours, de par lâĂ©ternitĂ©. Plus misĂ©ricordieuses, les dĂ©esses, leurs filles ou leurs sĆurs, reviennent quelquefois parmi nous : ainsi, la sĆur dâApollon aime encore Ă courir nos forĂȘts, aux heures oĂč sâendorment les villes et les peuples. Lorsque lâaube survient avant la dispersion de ses nymphes, si vous ĂȘtes nĂ© sous un signe favorable, vous pouvez en rencontrer une. Vous ne lâoublierez plus.
Tout Ă lâheure, soixante-dix livres de pression faisaient cabrer lâelevated sur ses rails dâacier pour vous emmener vite, plus vite Ă la Bourse ; plus vite encore, les statistiques, les Ă©quations, tous les chiffres du monde partaient, sâenvolaient, revenaient dans votre cerveau prĂȘt Ă la bataille. En bas, dans les rues noires qui sâĂ©branlaient sous le passage de votre locomotive, en haut, dans les wagons Ă cĂŽtĂ© de vous, sur les bancs, chacun si prĂšs, si loin de ses voisins, on se ruait Ă la curĂ©e, Ă la bataille du pain quotidien... Une porte sâouvre, une bonne odeur de matin vous frappe au visage, balaie, emporte les soucis qui envoyaient trop de sang Ă la tĂȘte et pas assez au cĆur. Redressez-vous, ouvrez les yeux tout grands, regardez bien, car câest elle qui daigne apparaĂźtre, elle, DaphnĂ© ou Syrinx, sous un dĂ©guisement moderne."
Fin du XIXe siÚcle, c'est la ruée vers l'or dans le territoire canadien du Yukon...