Des histoires piquantes pour relever les dérives de notre société !
Ça ne peut plus continuer comme ça. Sur ce point au moins, tout le monde s’accorde. Les dérives de notre société ont fini par mettre en péril notre espèce, notre planète et la vie qui l’habite. Pourquoi avons-nous délégué les aspects fondamentaux de nos existences – naissance, mort, alimentation, instruction… – à des institutions ? Que signifie être humain dans un monde où les téléphones ont parfois plus de valeur que la vie ? Neuf thématiques ont émergé et avec elles, des écrivains qui, par la fiction, abordent ces questions transversales et profondes afin de nous faire réfléchir au monde que nous souhaitons bâtir pour nous et ceux qui nous suivront. La première nouvelle de ce recueil est de la plume de Rob Hopkins, fondateur du mouvement mondial des villes en transition.
Prenez part à la réflexion en lisant ces nouvelles dans lesquelles chaque auteur aborde des questions fondamentales autour de neuf thématiques plus actuelles que jamais !
EXTRAIT
Quand Alfred rouvre les yeux, bien plus tard encore, Elyas lui tend un bol de bouillon. Alfred veut parler, Elyas lui fait signe de se taire.
— Il faut reprendre des forces.
— Mais vous êtes qui ?
Elyas sourit. Il s’attendait à ce que la question surgisse. Beaucoup plus tôt, probablement.
— Un agent secret ? Un ange ? Un détective privé payé par mon père ?
Elyas pose un doigt sur ses lèvres.
— Je suis le sans-papiers qui habitait l’appartement de votre client et qui a eu la mauvaise idée de faire frire des petits poissons. Celui qui a mis le feu. Celui que la police a chassé vingt fois. Celui qui n’a même plus le droit de travailler comme livreur à vélo. Celui qu’on voudrait renvoyer chez lui dans un pays en guerre. Hier, après vous avoir rendu votre carte d’identité, j’aurais voulu rentrer chez moi. Mais je n’ai plus d’endroit qu’on puisse appeler « chez moi ». J’ai dormi dans un local à poubelles, dans la cave.
Alfred grimace.
— Je me suis lavé, tout à l’heure, après vous avoir trouvé. Je me suis inquiété quand la police a embarqué votre voiture sans que vous réagissiez.
— Ma voiture ?
— Elle gênait. Un voisin a réussi à faire venir une dépanneuse.
— La vieille en face… marmonne Alfred.
— Inès ? Pas du tout, elle est très gentille. C’est elle qui a fait chauffer l’eau pour le bouillon. Elle s’inquiète pour vous.
— Pour moi ? s’étonne Alfred.
— Les gens se soucient les uns des autres. C’est comme ça que ça se passe quand les choses se compliquent. Dans le confort, on se replie sur ses petites habitudes. Mais quand ça va mal, les gens sont souvent plus disposés à donner un coup de main. J’en sais quelque chose.
Elyas aurait envie de raconter des épisodes de sa vie récente, depuis l’arrivée des milices dans son quartier d’Alep, en Syrie, sa traversée de la Méditerranée, puis de l’Europe, mais il garde ça pour lui. Derrière son sourire et ses yeux clairs. Il tend à nouveau le bol de bouillon.