Emile Zola (1840-1902)
"Vous avez connu, mes amis, le misĂ©rable enfant dont je publie aujourdâhui les lettres. Cet enfant nâest plus. Il a voulu grandir dans la mort et lâoubli de sa jeunesse.
Jâai hĂ©sitĂ© longtemps avant de donner au public les pages qui suivent. Je doutais du droit que je pouvais avoir de montrer un corps et un cĆur dans leur nuditĂ© ; je mâinterrogeais, me demandant sâil mâĂ©tait permis de divulguer le secret dâune confession. Puis, lorsque je relisais ces lettres haletantes et fiĂ©vreuses, vides de faits, se liant Ă peine les unes aux autres, je me dĂ©courageais, je me disais que les lecteurs accueilleraient sans doute fort mal une pareille publication, toute diffuse, toute folle et emportĂ©e. La douleur nâa quâun cri ; lâĆuvre est une plainte sans cesse rĂ©pĂ©tĂ©e. JâhĂ©sitais comme homme et comme Ă©crivain.
Un jour, jâai songĂ© enfin que notre Ăąge a besoin de leçons et que jâavais peut-ĂȘtre entre les mains la guĂ©rison de quelques cĆurs endoloris. On veut que nous moralisions, nous les poĂštes et les romanciers. Je ne sais point monter en chaire, mais je possĂ©dais lâĆuvre de sang et de larmes dâune pauvre Ăąme, je pouvais Ă mon tour instruire et consoler. Les aveux de Claude avaient le suprĂȘme enseignement des sanglots, la morale haute et pure de la chute et de la rĂ©demption.
Et jâai vu alors que ces lettres Ă©taient telles quâelles devaient ĂȘtre. Jâignore encore aujourdâhui comment le public les acceptera, mais jâai foi dans leur franchise, mĂȘme dans leur emportement. Elles sont humaines."
Claude, un jeune provincial, est parti vivre à Paris ; mais, confronté à la solitude et la misÚre, il déchante trÚs vite. Un soir, il secourt sa voisine Laurence, une jeune fille débauchée, en proie à une crise de nerf. Quelques jours plus tard, celle-ci s'installe chez Claude. Il ne la rejette pas...
Pendant cette année passée à Paris, Claude couche, sur le papier, sa vie, ses sentiments, ses misÚres...
Premier roman d'Emile Zola.