« Le réveil de Mathilde et d'Alexandre et toute leur journée ne furent que silence. Leur nuit avait été courte, agitée malgré les somnifères. Mathilde s'était plantée très tôt devant la fenêtre. Le jour était là, sombre, en deuil peut-être. Des personnes, hommes, femmes, col relevé traçaient leur chemin, insouciants, l'allure vive. Le temps s'écoulait déjà, sans pitié, indifférent à leur douleur, à toutes les douleurs. “Le temps, la vie, n'a pas le temps pour ces choses-là. Qu'est-ce qui peut être beau, utile quand la vie s'acharne à ce point ? Y a-t-il un sens à tout ça ?”, ruminait-elle. » Un couple ordinaire, en apparence seulement, dont la singularité ne s'affiche pas : enfouie pour Alexandre qu'un secret familial ronge, tragique pour Mathilde qui ne sait quel sens donner à la disparition de ses proches. À leurs côtés, Samuel, Quentin, Dacha dont la vie illustre les nuances du vide : l'absence subie d'une personne aimée, sa disparition inattendue, sa perte brutale. Autant de situations et de résonances reliées au manque de l'autre et à la douleur qui nous assiège comme une empreinte vivante et perpétuelle. Avec une sensibilité à fleur de peau, Benabdallah Dridj donne à ressentir cette existence incomplète, amputée, passée à colmater le silence, à remuer nos doutes, à ravaler nos peurs... à faire avec. Troublant, son roman questionne les blessures, titille les cicatrices. C'est un dialogue grave, sarcastique et parfois drôle. Particulier aussi car si constitué pour l'essentiel de questions n'appelant pas forcément de réponses, il cherche avec avidité un sens.