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Les tribulations d'un Chinois en Chine

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Jules Verne (1828-1905)

"Il faut pourtant convenir que la vie a du bon ! s’écria l’un des convives, accoudĂ© sur le bras de son siĂšge Ă  dossier de marbre, en grignotant une racine de nĂ©nuphar au sucre.

– Et du mauvais aussi ! rĂ©pondit, entre deux quintes de toux, un autre, que le piquant d’un dĂ©licat aileron de requin avait failli Ă©trangler !

– Soyons philosophes ! dit alors un personnage plus ĂągĂ©, dont le nez supportait une Ă©norme paire de lunettes Ă  larges verres, montĂ©es sur tiges de bois. Aujourd’hui, on risque de s’étrangler, et demain tout passe comme passent les suaves gorgĂ©es de ce nectar ! C’est la vie, aprĂšs tout !"

Et cela dit, cet Ă©picurien, d’humeur accommodante, avala un verre d’un excellent vin tiĂšde, dont la lĂ©gĂšre vapeur s’échappait lentement d’une thĂ©iĂšre de mĂ©tal.

"Quant à moi, reprit un quatriùme convive, l’existence me paraüt trùs acceptable, du moment qu’on ne fait rien et qu’on a le moyen de ne rien faire !

– Erreur ! riposta le cinquiĂšme. Le bonheur est dans l’étude et le travail. AcquĂ©rir la plus grande somme possible de connaissances, c’est chercher Ă  se rendre heureux !...

– Et à apprendre que, tout compte fait, on ne sait rien !

– N’est-ce pas le commencement de la sagesse ?

– Et quelle en est la fin ?

– La sagesse n’a pas de fin ! rĂ©pondit philosophiquement l’homme aux lunettes. Avoir le sens commun serait la satisfaction suprĂȘme !"

Kin-Fo est un jeune Chinois riche mais blasé. Apprenant qu'il est ruiné, il demande au philosophe Wang, son maßtre et ami, de le tuer... un suicide par procuration !