Oser penser par soi-même. Voilà le mot d’ordre des écrivains matérialistes des Lumières qui n’ont pas hésité à récuser l’existence de Dieu, à mettre en jeu la réalité d’une « substance spirituelle » — oxymore absurde s’il en est — et à illustrer l’aliénation de ceux qui adhèrent à ce qui mène inévitablement au théofascisme.
Si Dieu est une chimère et les religions des « folies humaines », la matière, en revanche, existe par elle-même, travaillée par des forces qui rendent compte du monde tel qu’il existe. Du « frayage » des particules élémentaires au transformisme, en passant par la théorie des probabilités, les thèses matérialistes ont pu éclore parce que des « philosophes » ont abandonné le paradigme mécaniste au profit d’une conception complexe de l’organisme, fondée sur l’irritabilité et la sensibilité du tissu animal. L’auteur de Matières incandescentes analyse les conditions d’apparition et de développement des problématiques matérialistes des Lumières (1650-1780) dans une synthèse impeccable qui souligne les liens qui se sont tissés entre réflexion philosophique et avancées scientifiques.
Professeur émérite de l’Université d’Ottawa, Pierre Berthiaume est spécialiste de la littérature française du xviiie siècle et des relations de voyage en Amérique du Nord. Sa bibliographie comprend nombre d’ouvrages et d’articles qui couvrent les deux domaines de recherche.