Alphonse Allais trompe son monde. Il a lâhumour des dĂ©sespĂ©rĂ©s, Ă©crit sans y croire, en journaliste, se laisse piquer ses idĂ©es, vit une vie sans lendemain. En marge de lâinstitution littĂ©raire de son vivant, la postĂ©ritĂ© le rattrape. On le prend pour un rigolo, conteur sans prĂ©tention, chroniqueur divertissant. Il est plus que cela. Breton lâintroduit dans le panthĂ©on des modernes Ă cĂŽtĂ© de LautrĂ©amont, de Rimbaud : âil excelle Ă mettre en difficultĂ© lâindividu satisfait, Ă©bloui de truismes et sĂ»r de lui quâil cĂŽtoie chaque jour dans la rue.â
Ses contes, en apparence, sont bien trop lĂ©gers pour ĂȘtre de lâart. Et pourtant, câest leur insignifiance ou nullitĂ© qui les Ă©lĂšve au rang dâobjets rĂ©solument modernes. Allais insiste sur des dĂ©tails insignifiants (la maniĂšre de dormir avec sa barbe par exemple). RĂ©sultat : le quotidien devient absurde. Mis hors contexte, vu Ă la loupe, le normal nâest pas si normal. Le rĂ©el est dĂ©placĂ©. Alexandre Wong & Claude Colombini