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Que le fracas des vagues

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« Il a fallu affronter la foule, le soleil, le port, les gendarmes qui vous serrent de prĂšs en souriant, vainqueurs, heureux de montrer leur utilitĂ©, celle de protĂ©ger la nation des individus dangereux. Rien ne vous est Ă©pargnĂ©, de la veste trop large au bĂ©ret en passant par ces ridicules et lourds sabots qui raclent le sol bruyamment. Un uniforme, en fait, les hommes amenĂ©s ici ont Ă©tĂ© vĂȘtus d'un uniforme, comme cela on ne peut pas se tromper. Sur le port, quand ils sortent des voitures de police, sous le soleil qui Ă©blouit, la foule des curieux, comme dans une grande fĂȘte, une procession, regarde passer les hommes en marche vers un destin dramatique, un peu comme pour une comparaison, une confirmation qu'ils ne sont pas pareils, qu'il n'y a aucun risque qu'ils ne leur ressemblent. » Le bagne, lorsqu'il existait, faisait peur. MĂȘme s'il n'entraĂźnait pas la mort immĂ©diate comme la guillotine, il faisait mourir doucement, loin de tout et de tous, oubliĂ©. Aussi, lorsque Jean-Baptiste est condamnĂ© au bagne de Cayenne pour dix ans, il ne pense pas revenir. Avec lui, les plus durs de ceux qui se sont Ă©levĂ©s contre le coup d'État de NapolĂ©on III. Voici l'histoire de l'Ă©popĂ©e qu'a vĂ©cue un de mes ancĂȘtres, de son village des bords de Durance Ă  ces contrĂ©es lointaines redoutĂ©es.