Nous vivons dans l'inversion et la confusion. Ce qui est en bas a pris la place du haut et ce qui a de la valeur est méprisé. Dans cette confusion des valeurs, le droit n'est pas épargné. Plus personne ne sait à quoi il correspond. Ce mot est désormais employé en toutes occasions, soit pour culpabiliser le plus faible, soit pour justifier des pratiques purement bureaucratiques mais vides de sens, soit pour signifier un ensemble formel de normes creuses, soit pour glorifier celui qui souhaite ainsi légitimer sa violence sur autrui, soit tout simplement pour signifier l'égarement de celui qui exprime un sentiment d'injustice qui n'est pas toujours justifié. Une telle situation de confusion est dangereuse car une société sans un droit digne de ce nom est une société qui s'égare et qui finit tôt ou tard par sombrer. Dans ce texte, il s'agit donc de se saisir ce problème en distinguant deux types de droit : le droit au sens propre et le droit dénaturé. Seul un droit digne, propre, qui élève l'individu et qui lui redonne foi en l'existence peut être qualifié de véritable droit. Cependant un tel concept ne peut exister par de simples promesses ou de belles paroles. Il suppose, pour être crédible et légitime, une application concrète au quotidien qui n'est possible que si une élite de magistrats formés à une éthique rigoureuse – mais non pas susceptible de conduire au sacrifice de leur être ou de leur personne – existe et est sélectionnée non en fonction de critères formels ou de culture dite « générale » ou technique, mais d'une part en fonction de leur engagement pour le bien commun et singulier de chacun et d'autre part en raison de leur valeur personnelle et humaine. Pour redonner sens au droit il faut donc le repenser dans son essence mais aussi et surtout le mettre ensuite en œuvre en mettant au-dessus ce qui est digne de l'être et en confiant sa mise en œuvre à une élite digne de ce nom : une élite au sens propre du terme.